II. Flashback

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Il était déjà vingt et une heure comme l'indiquait l'horloge accrochée au mur blanc et sans vie de cette chambre d'hôpital. Après plusieurs antibiotiques et autre réjouissance, mon corps était en train de reprendre ses fonctions même si je me sentais encore très faible et engourdie de partout, je pouvais tout de même ouvrir les yeux sans la moindre douleur. 

Physiquement, j'allais mieux, mais mentalement c'était autre chose. Mon regard dans le vide, j'essayais d'organiser mes pensées, de me dire que ce que j'avais fait avait marché, mais je n'y arrivais pas. L'idée que je ne me trouvais plus dans la vie de Jonathan désormais, et que lui non plus, me fit l'effet d'une bombe. 

Peut-être qu'au fond une partie de moi voulait que ce plan échoue, je désirais le garder près de moi... Mais d'autre part, je ne pouvais pas le revoir, pleurer et crier. Et puis toutes les horreurs qu'il m'avait dites, elles aussi je ne pouvais pas les supporter. Le voir me détester, l'entendre me détester était plus insupportable que de le voir m'oublier. 

Je n'oublierais jamais ce qu'elle m'avait dit sur son propre fils. Elle qui l'avait abandonné, elle qui l'avait lâchement laissé sans la moindre explication. La mère de Jonathan Anna. Cette femme à qui ma mère avait causé tant de souffrance. Quand j'étais dans le coma la dernière fois pendant environ un mois, elle était venue me visiter tel un fantôme. C'était horrible de la voir si... triste. Je qualifierais de triste l'expression qu'elle affichait. 

Ses paroles renfermaient encore plus de tristesse et de peine, c'était indéniable. Elle avait commencé par me raconter sa rencontre avec Samuel, le père de Jonathan, il avait galéré pour gagner son cœur et elle s'était rendue compte qu'elle n'aurait jamais dû lui donner. Et pourtant, c'était ce qui s'est passé. Puis arriva Jonathan dans leur vie, leur petit rayon de soleil. Son regard s'était éclaircit quand elle mentionnait les moments tendres de l'enfance de Jonathan. Droit dans les yeux elle m'avait assuré qu'elle le protégerait coûte que coûte et que jamais elle ne laisserait quelqu'un lui faire du mal. 

Cette fois-ci, son regard s'était nettement assombri. On aurait dit une sorte de menace. En racontant leur vie familiale elle se rapprochait avec difficulté du moment fatidique, elle allait enfin me révéler pourquoi elle avait quitté ce cocon qui paraissait si chaleureux. 

Puis elle m'a montré l'horreur. 

C'était comme un mauvais rêve, mais j'avais vécu la scène. 

J'étais Anna. 

Et j'avais tout ressenti de A à Z ; la trahison, le dégoût et la haine. Anna revenait du travail, elle avait fini plus tôt que prévu et pensait que c'était la meilleure occasion de faire une surprise à son mari. Tout était en sa possession ; bougies, fleurs, ingrédients pour un plat délicieux, elle avait tout calculé pour le bonheur de Samuel. 

Un sourire béat était sur ses lèvres alors qu'elle rentrait la clé dans la serrure. Ses yeux bleus pétillaient lorsqu'elle posa les courses et le bouquet sur le plan de travail de la cuisine et elle sa joie était tellement immense qu'elle chantonnait de bonheur en sortant les ingrédients du sac. Elle s'attacha ses cheveux châtains mi-longs en une queue-de-cheval basse et allait commencer la préparation de ce fabuleux dîner. Samuel ne devrait pas tarder. 

Un bruit à l'étage attira son attention. Son cœur se serra instantanément. 

Elle avait un mauvais pressentiment. 

Sa conscience essayait de la rassurer : ce n'est que Jonathan, lui souffla-t-elle. Il est revenu plus tôt. 

Elle s'était persuadée de cela, elle s'en était persuadée comme jamais, tellement qu'elle alla vérifier la chambre de Jonathan, mais rien. Il n'était pas là. Son cœur se resserra et une boule dans sa gorge s'était formée. Ses tripes étaient en train de lui dire de courir ouvrir la porte de la chambre parentale. Elle savait que le bruit provenait de la chambre. 

Elle s'imaginait le pire ; un cambrioleur, un assassin... mais c'était bien plus horrifiant que cela. Sa respiration était saccadée, ses mains tremblèrent sans le moindre contrôle, elle n'était plus qu'à quelques pas de la chambre, sa main sur la poignée. 

Quand elle l'ouvrit doucement, elle ne put s'empêcher d'émettre un hoquet de surprise. Elle était en train d'assister à une vision d'horreur, elle ne pouvait pas y croire. Ses yeux si pétillants autrefois étaient maintenant en train de s'embuer de larmes, petit à petit jusqu'à rouler sur ses joues. 

— Oh mon Dieu ! 

Ce n'était pas Anna qui prononça ces mots, mais Cynthia, sa voisine d'en face et sa bonne amie. Samuel qui se trouvait au-dessus d'elle s'arrêta dans ses va-et-vient et se retourna brusquement. Tous les deux rencontrèrent le regard rouge de colère, de peine et de tristesse d'Anna. Cette dernière avait les muscles tellement tendus que s'en était visible. Sa mâchoire et ses poings étaient contractés à l'extrême, elle ne s'arrêtait pas de trembler. Cela témoignait de sa colère, mais ces larmes étaient signe de tristesse, de peine et de trahison. 

Ses lèvres tremblotèrent, elle n'avait aucun contrôle sur son corps. 

— Anna... Anna écoute-moi... commença Samuel. 

D'un mouvement rapide et net elle prit le vase à côté d'elle et là lança sur le manque en haut du lit sur lequel les débris de verre s'y logèrent. Les deux traîtres avaient protégé leurs têtes en mettant leur bras au-dessus d'elle. 

C'était sur ses genoux qu'Anna s'effondra sur le sol et elle se mit à pleurer et à crier aussi fort que possible, tellement fort que ses veines devinrent visibles sur son front et sa gorge. L'expression joyeuse qu'elle arborait il y a quelques minutes laissa place à un visage rouge de colère. Sa main pressée contre ses lèvres elle réprima ses larmes et ses cris en vain.

Anna avait eu le cœur brisé par l'homme qu'elle chérissait et aimait le plus au monde. Elle avait été trahie. Comment pouvait-elle laisser son fils tomber amoureux de la fille de celle qui lui avait causé du tort ? 

Après avoir fini de vivre ce moment atroce, mes larmes tombèrent seules. Pourquoi ma mère avait-elle commis un acte aussi horrible qu'est l'adultère. Pourquoi ? Après avoir repris mes esprits, je l'avais questionné sur ce que je pouvais faire en contrepartie. Je voulais prendre le blâme pour ma mère, je souhaitais faire ce qu'elle voudrait. 

Son sourire était réapparu sur son visage en me disant que ce n'était pas ma faute, mais celle de ma mère. J'avais insisté en lui disant que c'était aussi de ma faute. Elle ne comprit pas la raison derrière cela, mais Anna m'avait affirmé que j'avais un bon cœur... comme ma mère autrefois. Anna ne pouvait pas me faire confiance, c'était comme impossible pour elle. Ma mère se reflétait dans mon regard. 

Depuis ce jour, je n'arrivais plus à regarder Jonathan en face, mais maintenant... maintenant j'ai une chance de tout recommencer. De prendre un nouveau départ et de ne plus jamais regarder en arrière. 

***

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Krystal~

Rends-moi mon corps ! TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant