XLIV. Le collier

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Revenir dans la maison de Jonathan faisait tout bizarre après les évènements précédents. Qu'est-ce que j'étais censée ressentir en voyant Anna et Sam ainsi que Damien ? De la joie ? De la peur ? De la tristesse ? 

Savoir que je devais mourir m'avait tellement refroidi que j'avais perdu tout courage de repartir dans mon monde. Et si je mourrais en vain ? Si Kalie 2.0 s'était trompée dans les calculs ? Le résultat sera fatale. 

Mais est-ce que d'autre choix se présentaient à moi ? Pas vraiment. Pour le moment ma priorité était le collier. Pour le coup, c'était simple. Si Xio Yi nous avait cru une fois, alors il le fera sûrement dans cette réalité. 

Perdue dans mes pensées, le regard au loin, une voix familière atteint mes oreilles. 

— Kalie ? 

— Hum ? Désolée, Jonathan, tu disais ? 

— Est-ce que ça va ? 

Pour la première fois, il se préoccupait de comment je me sentais. Mais comment lui dire que je devais mourir ? Je n'avais pas eu le courage de lui avouer. Est-ce qu'il s'en ficherait ? Peut-être qu'il serait content de me voir partir après tout ce qu'il a du enduré.

— Oui ne t'en fais pas. 

Il paraissait sceptique, mais continua tout de même :

— Tu es prête ? 

— Oui, merci de m'accompagner. T'es pas obligé de...

— Bien sûr que si Kalie. Malgré moi, je suis embarqué dans cette histoire. 

Il n'avait pas dit ça en me blâmant, comme si avec le temps il comprenait peut-être un peu mieux ce que j'avais fait. Au fond, je savais très bien que je n'étais pas une bonne personne, mais j'espère sincèrement pouvoir réparer mes erreurs. Après tout ce qui comptait pour était son bonheur. 

***

— Il n'est pas là.

Mes oreilles avaient bien entendu le mec derrière le comptoir qui n'avait pas changé d'une réalité à une autre d'ailleurs. Toujours aussi désagréable. Il nous regardait à tout de rôle, l'air hautain, nous refusant de voir Xio Yi, car monsieur était parti à une conférence. Non, mais l'Univers s'acharnait contre moi là. Une conférence ? Pourquoi faire ?

— On a juste besoin de faire un tour dans son bureau, ça ne va pas être très long...

— Ce que ma copine, intervient Jonathan en appuyant sur le dernier mot, c'est qu'on était censé se voir avec Xio Yi, on doit lui poser des questions pour notre exposé sur...

— La gastronomie chinoise, disions-nous en cœur. 

Il sourit faussement avant de nous dire : 

— Et bien, ça sera pour une prochaine fois. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, il y a de réel client qui veulent une chambre. 

Son ton condescendant commençait sérieusement à m'énerver, on avait beau être dans une autre réalité, ce mec se montrait toujours aussi supérieur comme s'il travaillait pour la CIA. Voyant que je commençais à m'enflammer, Jonathan prit la parole : 

— Merci monsieur pour vos renseignements, nous allons partir maintenant, rit-il faussement. 

Arrivé dehors, je pensais vraiment avoir perdu tout espoir de reprendre le collier. Oui, parce que Xio Yi n'allait pas rentrer de sitôt de son séminaire ou je ne sais quoi. Pas de collier, pas de retour à la maison, ce qui voulait aussi dire que Jonathan était en danger. A cause de moi, le deuxième Jo se retrouvait dans le corps du Jo actuel et tout cela à cause de notre échange de corps.

Rien que d'y penser ça me donnait une migraine. 

Mais la présence de Jonathan à mes côtés ne me déplaisait pas. Même si, de son côté, toute attraction envers moi n'existait plus, comme si quelque chose avait percuté. 

— Bon, on va devoir trouver un autre moyen de prendre ce collier. 

— Mais comment ? Tu as entendu monsieur je-sais-tout, Xio Yi ne reviendra pas avant quelques jours et d'ici là, il sera trop tard, terminai-je, le manque de confiance se faisant sentir dans ma voix. 

Il s'arrêta un instant, me regardant intensément dans les yeux. Pendant un moment, je me sentais fébrile, comme si en un seul regard, je me retrouvais quelques jours plus tôt au gala.

— On va trouver un moyen.

Il avait prononcé ses mots dans un des plus grands calmes, pour me rassurer, enfin je pensais. Malgré tout ce que j'avais fait, il trouvait quand même le temps de s'inquiéter. Enfin, cela devait être le vrai Jonathan qui parlait. 

Qu'est-ce qui allait se passer quand j'allais le retrouver ? Il se souviendra de tout ce qu'il s'est passé ici... Peut-être que j'aurais tellement honte de lui faire face.

Non. 

Kalie 2.0 avait raison, il fallait que j'affronte mes peurs et surtout que je n'endosse pas toutes les responsabilités. Ma mère devait jouer son rôle de mère pour une fois. 

— Allez, viens, fit-il en se dirigeant vers l'arrière du restaurant. 

— Je peux savoir ce que tu fais ? demandai-je en le suivant de près. C'est pas que j'aime pas les ruelles sombres, mais je ne pense pas qu'on va trouver Xio Yi ici. 

Il regardait le ciel, ou plutôt, le haut du bâtiment pour je ne savais quelle raison. Qu'est-ce qu'il faisait au juste ? 

— On ne trouvera pas le vieux, mais l'entrée à son bureau oui, lâcha-t-il en faisant un signe de tête vers le haut. 

Mon regard suivi le sien quand mes yeux tombèrent sur une le toit du restaurant et surtout une fenêtre plutôt accessible qui se trouvait juste au-dessus du bureau de Xio Yi. 

— Mais... comment tu as...

— Jonathan, enfin moi, enfin ton Jonathan... bref tu m'as compris. Quand je me suis souvenu de tout, je me suis aussi souvenu de notre... votre... bref, escapade nocturne avec Damien comme diversion. J'ai remarqué le velux dans le bureau de Xio Yi sur le toit. On pourrait y accéder, prendre le collier et filer vite d'ici. 

J'aurais pu l'embrasser là tout de suite, mais je me contentais du minimum : 

— Je... Merci... soupirai-je.

— Je t'en prie, sourit-il.

Pendant un bref instant l'animosité qu'il éprouvait envers moi s'estompa, comme si la tension qui nous attirait depuis le début avait repris le dessus. Mais la bulle se brisa quand je rompis le contact visuel entre nous. 

— Bon, je t'aide à atteindre l'échelle, ça devrait pas être compliqué. 

— Tu veux que j'y aille ? questionnai-je, surprise. 

— A moins que tu arrives à me faire la courte échelle puis à me rattraper ensuite, je suis partant. 

Je soupirai, un sourire en coin. 

— OK, j'ai compris. 

Je m'exécutai puis Jonathan me poussa jusqu'à ce que je puisse atteindre l'échelle fixée au mur. Une fois ma prise ferme, je commençais à grimper jusqu'à atteindre le toit. Bingo, le velux se trouvait bien là où Jonathan l'avait remarqué. J'enlevais les cartons qui bloquai la fenêtre et l'ouvris en la coulissant. La chute ne devrait pas être très haute. En me plaçant sur le bureau et en poussant un petit peu, je devrais réussir à remonter seule. 

— Psst. 

Pile avant de rentrer, j'entendis la voix de Jonathan d'en dessous. En jetant un coup d'œil en bas, je me rendis compte de l'expression sur son visage. Mon cœur ratait plusieurs battements. 

— Reviens saine et sauve. 


Rends-moi mon corps ! TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant