XXIV. La voyante

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Ce n'était pas une hallucination que j'avais vu sur les photos et ça m'effrayait. J'étais complètement réveillée et n'avais aucun mal de crâne, donc comment se faisait-il que mes parents ne voyaient pas la même chose que moi ? 

A force, avec tout ce qu'il s'était passé depuis, c'était un autre petit truc à ajouter à la liste. En premier des hallucinations, des malaises et puis un fantôme qui veut me tuer, Jonathan qui retrouve la mémoire qu'il n'est pas censé avoir et puis moi qui... je ne savais même pas comment définir ce qui était arrivé. 

Mais puisque les gens faisaient la fête pour oublier, je me suis dis que je ferais pareil, sauf que je ne suis pas à une fête mais à aux manèges avec le groupe. La tension entre moi et Chloé était présente, mais j'allais faire de mon mieux pour me faire pardonner. Quand j'y repensais, je me suis jeté dans les bras de Lucas avec un telle aisance, sans penser aux conséquences. 

Même si mentalement, ce n'était pas le top, je devrais savoir contrôler et gérer mes émotions. Après tout c'était la vie que j'avais choisi aussi bizarre soit-elle. Au moins j'avais toujours Leila et Oliver. Si seulement, je les avais connu dans l'autre réalité, peut-être que je n'aurais pas fait ce choix aussi radical. 

— Kalie ! Tu veux essayer la pêche à la ligne ? cria Leila en train de payer pour son tour.

Je les rejoignis, ayant un peu traîné et remarqua Oliver qui était mort de rire. 

— Nan mais Leila, t'as pas cinq ans, repose ça, rigola-t-il. 

— Mais j'ai vraiment envie de gagner un poisson... Je le nommerai Oliver pour le coup, ricana-t-elle. 

Il s'arrêta de rire et la foudroya du regard. 

— Tu te fiches de moi ? 

Elle lui tira la langue et procéda à se mettre en mode concentration ultime. Je rigolais à mon tour mais au bout de dix minutes, elle gagna finalement son poisson rouge. 

— J'ai jamais vu une fille aussi contente d'avoir gagné un poisson... 

— C'est mon premier animal de compagnie, il est mignon pas vrai Kalie ? 

— Très ! Il ressemble un peu à toi, Oliver. 

— C'est ça, foutez-vous de moi. 

Alors que nous rigolions, Leila marcha un peu plus vite que nous telle une pile électrique, cette fille était vraiment à fond dans toutes ses activités. J'étais contente que notre petit différend était réglé, et puis cette sortie me faisait vraiment du bien, même si elle touchait à sa fin. Chloé était partie chercher des chichis, elle mourrait de faim. 

— Ça fait du bien de te voir rire, déclara Oliver d'une voix calme. 

J'étais surprise par son changement de voix mais le regardait avec un sourire. 

— C'est grâce à vous, soufflai-je. Merci d'être là, répondis-je, sincèrement. 

— On sera toujours là, comme tu l'as été pour moi et Leila... 

Il s'arrêta un moment avant de froncer les sourcils. 

— Tu te souviens de comment on s'est rencontré ? 

Je fis une moue qui en disait long, je n'avais aucun souvenir. Il comprit et se remit à marcher, les yeux vers le ciel. 

— Leila était ta première amie, d'ailleurs, c'est toi qui l'a un peu sauvé de ses mauvaises fréquentations et magouilles. 

— Magouilles ? 

— Oui, elle traînait avec des gens pas très net, mais elle avait pas le choix. Elle avait une espèce de dette. A l'époque, j'avais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l'aider, mais je ne pouvais pas faire grand-chose. Et puis, elle me repoussait et ne voulait l'aide de personne. 

C'était bien Leila ça... Comme si au fond de moi, j'avais un souvenir de tout ça, de sa personnalité. 

— Et puis, comme par magie, tu as débarqué, payé sa dette et l'a pris sous son aile. Tu faisais beaucoup plus peur que maintenant, plaisanta-t-il. Tu lui avais montré le fonctionnement du conseil des élèves et elle avait tout de suite aimé. En fait, je pense qu'elle avait pas trop le choix puisque tu lui avais débarrassé de sa dette et le conseil des élèves n'était pas aussi important à l'époque. Il fallait qu'il fasse ses preuves, donc tu as recruté, recruté et tu as finis par croiser ma route. 

J'écoutais attentivement Oliver, essayant de chercher ses souvenirs en vain, c'était comme si il parlait d'une personne différente. 

— Je voyais Leila changer, et au début j'ai cru que tu étais un peu bizarre, mais quand j'ai intégré le conseil, j'ai vu à quel point tu y étais dédié, et Leila avait retrouvé sa personnalité d'avant. En la sauvant de sa vie d'avant, tu m'as soulagé. Je n'ai plus à me soucier maintenant, puisque je sais qu'elle t'a. 

Mes yeux se remplissaient d'eau... c'est fou le sable qu'il y avait dis donc. Plus sérieusement, ce que disait Oliver me serrait le cœur, d'un côté parce que je n'ai jamais été cette personne et de l'autre parce que j'avais l'impression d'être un imposteur. 

J'essuyais une larme et Oliver esquissa un sourire. Nous nous dirigions vers Leila qui était en train d'admirer la barbe à papa et Chloé l'avait rejoint. Son cornet de chichis avait disparu, ce qui voulait dire qu'elle avait du avoir très très faim. 

— Enfin, vous voilà ! On pense faire un tour et rentrer, c'est bon pour vous ?  

On hochait la tête et au moment et on se mit à marcher en direction de la sortie. 

— Vous avez le pouvoir en vous... la même énergie que lui...

Une voix usée et forte m'avait interpellé juste à ma droite. On avait tous tourné la tête vers notre interlocuteur et quand mes yeux se posèrent sur une dame d'une quarantaine d'années avec une espèce de bandeau se la tête, mon sang se glaçait. J'étais comme pétrifiée sur place par ses yeux bleus perçant. Mais sa phrase m'avait aussi perturbée. Qui était-elle ? Que voulait-elle ? Et elle sous-entendait quoi par "il" ?

— Kalie, on y va... fit Chloé pas très rassurée. 

Mais sans m'en rendre compte je me rapprochais un peu plus de la dame en question qui était une voyante. C'était connu après tout, une voyante à la fête foraine. 

— Qu'est-ce que vous venez de dire ? 

Ses yeux bleus me semblaient plus perçants que tout à l'heure, ils fixaient mon âme. Elle me prit la main et chuchota :

— Oh... oh... mon enfant, mais qu'avez-vous fait ? s'écria-t-elle à voix basse. 

On aurait dit qu'elle allait pleurer, elle fronça les sourcils et les rouvrit. Ils paraissaient dix fois plus gros. 

— Vous avez provoqué quelqu'un de très très puissant et il est très en colère. Très très en colère, chuchota-t-elle. L'équilibre est perturbé à cause de vous... Vous devez le rétablir ! Avant qu'il ne soit trop tard !

— OK, merci madame Irma, plaisanta Oliver, mais on s'en va. 

Elle retint ma main et fit d'une voix perçante : 

— Faites attention aux jumelles. 



Rends-moi mon corps ! TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant