fais moi pleurer

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septembre

Durant le mois d'octobre de l'année précédente, Yoongi a cessé de parler. Ça n'a jamais été définitif. De temps en temps, il balance des bribes de phrases ou des réponses approximatives.

Mais le reste du temps , il se contente d'observation et de simples hochements de tête.

Madame Min n'a jamais compris. Pourtant , elle a tout essayé. Elle a emmené Yoongi chez tous les psychologues, aux prix acceptables, de Séoul. Mais rien à faire, Yoongi ne sortait pas un mot. Il fixait si intensément les médecins chez qui sa mère l'emmenait qu'il a été plusieurs fois menacé d'un possible internement psychiatrique.

- Bon, tu vas devoir partager ta chambre avec un autre élève. Tu verras , il est très gentil quoique un peu spécial m'enfin, vous savez ce que c'est.

Yoongi ne répond pas. Premièrement parce qu'il trouve cela étrange que l'homme le tutoie pour ensuite le vouvoyer. Mais surtout car il ne peut s'empêcher de fixer cet étrange grain de beauté qui trône sur la joue fripée du directeur.

Les seuls moments de concentration intenses dont Yoongi pouvait faire preuve se manifestaient lorsqu'il lisait un livre ou lorsqu'il peignait. Dans ces moments là , toute son attention était portée vers ces activités et alors , le monde autour n'existait plus.

Le drôle de directeur toussote et Yoongi sort de sa transe.

Les murs sont orangés mais pas totalement, comme si le rosé dont ils sont soulignés, souhaitait qu'on l'aperçoit suffisamment pour en faire la remarque. En face de lui se prolonge un couloir dont l'immensité ne permet pas de distinguer le bout. Une odeur d'orange ou de nectarine teint l'air de son acidité et Yoongi se fait la remarque qu'il n'a sûrement jamais vu d'endroit aussi étrange que ce couvant aux allures presque familières.

Le directeur s'arrête devant une porte dont la plaque argenté légèrement vieillotte indique les chiffres " 403 ".

Yoongi observe avec attention et malice, la forme presque creusée au milieu de la porte laissant penser qu'un poing se serait abattue sur celle ci avec une grande puissance.

Ce détail , presque affligeant , donna à Yoongi le moyen d'imaginer une querelle entre deux garçons qui en seraient venus aux mains et attisa d'autant plus sa curiosité sans faille.

Il se dit qu'il pourrait peut-être aimer cet endroit singulier si ce n'est au moins s'en accommoder. Mais Yoongi n'aime pas tellement les "peut-être". En réalité, il a toujours trouvé ces deux mots , aussi futiles soit ils , fourbes. Comme un moyen dissimulé de dire oui ou non sans jamais oser le dire réellement.

Un grincement de porte le sort de ses pensées, le directeur a ouvert la porte si lentement que Yoongi en vient à se demander si la personne avec qui il va partager sa chambre est vraiment un élève tout ce qu'il y a de plus banal.

- Monsieur Park?

Aucun son. Aucune réponse, pas même un "hm" léger qui traduirait un manque d'intérêt certain mais manifesterait tout de même d'une quelconque présence.

Rien.

Yoongi et le directeur échangent un regard , intrigué pour l'un , inquiet pour l'autre.

L'adulte pousse la porte plus fort , la laissant se cogner sur le mur. Soudain, une touffe rose se tourne , écrase sa cigarette sur le rebord de la fenêtre et sourit.

-Bonsoir Monsieur.

Ses yeux se posent sur les deux hommes bloqués dans l'entrée. Il sourit , passe la main dans ses cheveux , pince ses lèvres entres elles et observe. Son regard noir , presque hypnotisant , déroule comme une course effrénée le long du corps frêle d'un Yoongi intrigué. Sa gorge se noue, ses muscles se contractent tandis qu'une seule question résonne dans tout son être comme un cri du cœur, un étouffement impressionnant , s'infiltrant dans les moindres recoins de son anatomie: qui est-ce ?

Sa beauté le bouleverse, l'intrigue, lui tourne l'estomac. De ses yeux fins , à ses lèvres carmines dont la courbe délicieuse semblait presque gracieuse , à ses courbes que les vêtements amples laissent difficilement apercevoir puis ses clavicules saillantes , opalines , luisantes sous le soleil de plomb , son être tout entier plonge Jimin dans un état second , presque absent.

Sa beauté l'effraie autant qu'il le laisse penaud, car là , son corps reflété par les rayons du soleil traversant les stores cassés de sa chambre , Jimin n'a rien vu de plus beau.

Il réveilla en lui un sentiment de curiosité presque malsaine , désir enfoui de tout découvrir de lui, jusqu'à ses plus profonds et inavouables fantasmes. Jamais personne n'avait incité chez lui une telle amativité .

Jimin resta planté ainsi, au milieu de sa chambre, les yeux rivés sur Yoongi. Et Yoongi aussi le regarde. Ils se regardent.

Oui, ils se regardent.

Et pourtant.

Rien ne se passe.







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?
Navrée de cette absence plutôt longue
Cette histoire va avancer
Les chapitres seront nombreux (normalement )

ta voix en moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant