Chapitre 29

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Expliquer à la police ce qui était arrivé à Lizzie et Alvin fut un défi. Le choc sur le visage des quatre amis était évident. Ce fut sûrement ce qui empêcha la police de les accuser directement. De plus, personne ne parvenait à comprendre comment ils étaient morts. La seule supposition qui faisait un minimum de sens pour les enquêteurs était le poison. Une substance quelconque (ils penchaient pour une nouvelle drogue) qui les avait rendus fous avant de liquéfier leurs organes et leurs muscles, de les faire bouillir au point de faire jaillir l'infâme bouillie par tous leurs orifices.

Je devais admettre être assez secoué moi-même. S'il m'avait fallu suspecter quelqu'un, j'aurais porté mes doutes vers James ou Elsie. Jamais vers la douce Lizzie et le patient Alvin. Comment ces démons avaient-ils pu me tromper à ce point ?

Au-delà de ça, il y avait le problème du traître. Je devais en parler à Ariel. Or, je ne pouvais pas remonter aux Cieux sans attirer l'attention. Il allait falloir que je le prie en espérant que, cette fois, le message arrive jusqu'à lui.

L'officier Blueminster escorta mon protégé jusque chez lui, tentant d'obtenir plus de réponses de lui. Vainement. Il ne savait rien. Rien qu'il puisse avouer à la police, en tout cas. Jamais l'officier ne le croirait s'il lui disait que ses amis avaient été possédés par de puissants démons. Aussi, mieux valait-il qu'il ne dise rien.

Le silence de la maison me parut plus menaçant que jamais. Je la scannai son énergie, tentant de trouver la moindre entité dissimulée. La demeure était, par chance, vide. Je n'étais pas prêt à faire à nouveau face à des démons. Je frémissais àpeine, désormais, lorsque j'évoquais les choses les moins terrifiantes de l'Enfer. À croire que je m'habituais. Je n'étais pas certain de ce que je devais penser de ça.

L'atmosphère de la maison changea. Un ouragan sombre et violent s'accumula dans la cuisine. Je reconnus la signature derrière le tumulte. Declan. Cette accumulation violente d'énergie négative venait de lui. Je laissai échapper un souffle. Enfin.

J'avais redouté son calme. Ce n'était pas normal pour quelqu'un qui venait de perdre deux de ses meilleurs amis d'être aussi posé, fermé, détaché. Il aurait dû réagir comme James ou Glenn. Trébucher sur ses mots, lutter contre des torrents de larmes, lutter pour comprendre ce qu'il s'était passé. Au lieu de ça, il avait comme fermé toutes les vannes émotionnelles qu'il pouvait et s'était transformé en robot.

Les digues qu'il avait bricolées venaient de céder et son appel à l'aide me brisait le cœur. Il se noyait dans sa peine, sa peur, sa culpabilité. Je le trouvai effondré sur la table de la cuisine, luttant contre le maelstrom de ses émotions dans un geste désespéré pour endiguer le flot de ses larmes.

Je ne réfléchis pas avant de l'envelopper dans mes ailes du mieux que je pus. Je ne pouvais rien faire d'autre pour lui que de l'aider à traverser la tempête. Il avait besoin de tout laisser sortir plutôt que de les laisser moisir au fond de son cœur. C'était le seul moyen pour soigner les blessures que la vie lui avait infligé, que son propre esprit lui imposait chaque jour.

Le temps passa. Ni mon protégé ni moi ne bougeâmes. À un moment, ses larmes avaient cessé. Toutefois, il n'avait pas cherché à se dégager. Il était resté blotti contre mon épaule, exactement comme il l'aurait fait avec quelqu'un qu'il pouvait voir et toucher. Mes ailes étaient parcourues de crampes mais pour rien au monde je n'aurais laissé la moindre plume bouger. J'étais prêt à rester dans cette position des plus inconfortables jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin de moi.

La nuit était tombée lorsqu'il se redressa. Il grimaça, endolori. Je battis des ailes pour les décrisper et me détendre les épaules. Le moindre mouvement était devenu source de douleur. Il allait me falloir un petit moment avant que mon corps ne se remette en état de fonctionner sans douleur.

A Season In HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant