Chapitre 34

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Je dormis durant près de vingt heures. D'un seul trait. Je ne me réveillai pas une seconde avant que la lumière ne devienne trop gênante pour que je continue à dormir.

J'étais étalé en étoile sur le lit de Beahan, le nez dans les oreillers. Malgré que je sois allongé sur le ventre, mon dos était engourdi. Meriel m'avait rafistolé au mieux mais c'était encore loin d'être assez. Ne pouvait appeler personne à l'aide était un problème. Après ce qu'il s'était passé, je n'osais imaginer ce qui était arrivé au véritable Suriel. S'il avait seulement existé un jour.

Bizarrement, je sentais que tout cela n'était qu'une diversion. Suriel n'était pas le traître que nous cherchions. Meriel devait toujours être dans l'optique que Baskiel était le traître. Je n'y croyais pas plus qu'avant.

Peut-être avais-je tort. Il était probable que Meriel en sache plus qu'il n'en disait et qu'il ait raison. Au point où j'en étais, plus rien ne pouvait me surprendre.

- Tu es dans un sale état.

Je faillis tomber du lit en entendant la voix de Meriel dans la chambre. À côté de moi, Beahan dormait encore. Dérangé, il émit un grognement menaçant avant de resserrer sa prise sur son oreiller. C'était surprenant qu'il ne se soit pas réveillé. Je l'aurais songé plus alerte, même dans le sommeil. Plus prompt à se réveiller en sursaut au moindre bruit suspect. Pas qu'il puisse entendre Meriel. Toutefois, il devait sentir sa présence. Ça aurait dû être suffisant pour le faire réagir.

- Ne bouge pas, ordonna mon collègue lorsque je tentai de me redresser.

Je n'eus pas le temps de réagir que ses mains étaient sur moi et qu'il me... soignait. Je mordis dans l'oreiller pour ne pas crier.

Meriel s'effondra à côté de moi lorsqu'il eut terminé. Je lui tendis un mouchoir en papier tiré du paquet que Beahan gardait toujours dans sa table de chevet. Il me jeta un regard noir mais le prit pour s'essuyer le visage. Je me redressai et m'assis à côté de lui. Je ne ressentis plus qu'un pincement dans mon dos, entre mes ailes.

- Comment as-tu appris à soigner ?

Il mit si longtemps à répondre que je crus qu'il n'allait pas le faire.

- Contrairement à ce que tu crois, tout le monde ne me déteste pas. Et les Vertus qui sont le plus bas dans l'échelle sont comme nous. Ils étaient des âmes humaines avec une prévalence pour aider les autres, surtout pour les soins. Souvent, ce sont des anciens médecins ou des infirmières. Bref, tu vois le topo. Toujours est-il que l'un des infirmiers est une connaissance. Je me suis occupé de lui quand il était encore en vie, pendant mon entraînement. Il a accepté de m'apprendre en secret comment soigner les anges. Je ne peux pas encore me soigner moi-même mais ça ne saurait tarder, selon lui.

J'observai son visage vide d'émotions. Pour une fois, je ne me laissai pas avoir. Tout ce qu'il ressentait se cachait dans de tout petits détails. Le plissement de ses yeux, l'inclinaison des coins de sa bouche, la crispation de ses poings... C'était très léger mais je pouvais y lire son malaise, son envie – son besoin – de finir cette conversation.

Je reconnaissais Meriel dans cette attitude. S'il m'avait avoué tout cela sans trahir qu'il n'en avait aucune envie, ça ne lui aurait pas ressemblé. Maintenant qu'il avait expliqué que tout ce qu'il voulait réellement était de parvenir à se soigner lui-même, je comprenais mieux pourquoi il faisait autant d'efforts pour apprendre à soigner d'autres anges.

- Je dois admettre que c'est plutôt sympa puisque je t'ai pour cobaye. D'ordinaire, je dois m'entraîner sur Hasdiel et il déteste devoir se blesser pour que je puisse tester mes compétences sur lui. Il se souvient de son nom. Son nom d'avant.

A Season In HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant