A Season In Hell

Chapitre 8

Dire que la sorcière m'était reconnaissante était un euphémisme. Elle débordait de gratitude. Si elle continuait, j'allais vomir. Ne comprenait-elle pas que je n'avais fait que mon travail ? J'avais été envoyé ici pour garder son ami en vie. Je ne m'étais pas explosé les ailes pour le plaisir !

Plus d'une fois, je fus obligée de la faire taire. Pas seulement parce que je n'en pouvais plus de l'entendre me remercier. Les hôpitaux étaient un lieu où il était fréquent de croiser d'autres anges. Surtout des gardiens mais parfois, si vraiment l'on n'avait pas de chance, des anges de la mort. Je n'aimais pas les rencontrer. Ils possédaient tous ce teint cireux, ce manque d'expression qui les faisaient ressembler à des statues de cire. Ils me collaient la chair de poule. Encore plus quand je songeais que l'un d'eux était venu me chercher lorsque j'étais mort.

Ce que je ne comprenais pas était pourquoi ils se déplaçaient eux-mêmes. Si je me souvenais correctement de l'introduction que j'avais reçue à mon arrivée aux Cieux, les anges de la mort n'étaient pas tout en bas de l'échelle comme les anges gardiens, les anges de la nature, des saisons et autres. Ils étaient, à vrai dire, plutôt hauts. Juste en-dessous des Vertus. Donc, dans la Seconde Sphère, Troisième Chœur. Énoncé ainsi, ça me rappelait un peu trop l'armée.

Toujours était-il que personne ne devait savoir que cette humaine, sorcière ou non, pouvait me voir. J'étais sûr qu'elle pouvait voir les autres anges que nous croisions dans les couloirs mais elle était assez intelligente pour ne pas le leur faire savoir. Je pouvais comprendre pourquoi. Avec leurs ailes noires aux plumes épaisses et ébouriffées, les Puissances étaient inquiétantes. Même à moi, elles me donnaient froid dans le dos et pourtant, j'étais dans leur camp.

Par chance, aucune ne s'approcha de la chambre dans laquelle était gardé Beahan. J'étais pris d'une terrible inquiétude à chaque fois que je voyais le haut des puissantes ailes noires. À chaque fois, elles ne faisaient que passer. Et ça recommençait des dizaines de fois par jour.

Les parents de Beahan débarquèrent et je les suivis lorsqu'ils allèrent parler au médecin de leur fils. Je les suivis aussi lorsqu'ils parlèrent avec les deux flics qui enquêtaient sur l'accident. Tous les témoins avaient affirmé que la voiture rouge avait visé celle de Beahan. Cela avait réveillé les suspicions de la police. Par chance, c'était la police de Hot Springs qui avaient pris l'affaire puisque l'accident avait eu lieu à Crystal Springs.

Il avait fallu que je dise à la sorcière de leur parler de son enquête et du dossier que Beahan allait leur apporter. Bien évidemment, je ne lui parlai pas des détails. Il n'avait pas refusé de lui dire quoi que ce soit pour rien. Si elle savait la moindre information, elle deviendrait une cible. Je ne savais pas si elle obtiendrait un gardien puisque c'était une sorcière aussi ne tenais-je pas à devoir faire double boulot. Ange ou non, je n'avais pas de don d'ubiquité.

Ce qui m'ennuyait le plus était le fait que la police ne dévoilait aucune information sur l'enquête à la famille. Je pouvais comprendre qu'ils soient dans la phase préliminaire mais de là à ne rien dire aux parents ? C'était un peu fort de café.

Je me résignai à placer les sceaux dans les quatre coins de la pièce et prévins Ava Machin-Chose que je n'allais pas être présent durant quelques heures mais que la pièce était protégée et que donc, si elle voulait rester saine et sauve, mieux valait qu'elle n'en sorte pas. Elle ne posa pas de question et me laissa quitter la chambre.

Je ne parvins pas à sortir de l'hôpital sans me faire accoster par l'un de ceux avec qui j'avais appris les ficelles du rôle de gardien. Pas le plus brillant quand on en venait aux relations interpersonnelles et à mon besoin de les éviter au maximum. Surtout avec les anges comme Meriel. Ce type me tapait sur les nerfs à une vitesse incroyable. Il avait l'art et la manière de me donner envie de lui fracasser les dents sur le carrelage.