Chapitre 7

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Beahan n'était pas à l'aise. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Ses mains ne cessaient de bouger sur le volant, il s'énervait sans cesse contre les autres automobilistes, triturait un fil qui s'était détaché de la couture de son jean.

Je fis de mon mieux pour l'aider à se détendre mais rien ne semblait fonctionner. Il y avait plus que sa simple envie de poursuivre l'enquête. Quelque chose le mettait sur les nerfs. Je pouvais imaginer des dizaines de raisons qui pourraient le mettre dans cet état. Sauf que j'avais besoin de savoir laquelle était la bonne pour pouvoir agir.

Il se gara devant le poste de police de Mena. Il resta assis un long moment dans la voiture soudain silencieuse derrière le ronronnement discret du moteur. Soudain, je comprenais mieux pourquoi il était si réticent à leur céder ses recherches. Le poste de police était si petit avec ses auvents gris sombres qui tranchaient sur le blanc des murs que j'avais plus l'impression d'être arrêté devant un vendeur de Kebab qu'une station de police. De plus, si j'en croyais les ondes qui en sortaient, ce n'était pas l'endroit le plus rayonnant de la Terre. Soyons francs, cet endroit n'était pas génial.

Certes, il avait déjà posté son article sur son blog et je devinais qu'il avait déjà été lu plusieurs fois. Toutefois, s'il y avait une chose qui n'avait pas changé depuis ma période d'existence, c'était le pouvoir de la police à faire disparaître ce qu'elle ne voulait pas voir.

Pris d'une idée, je jouai avec le GPS de sa voiture. Utiliser la technologie était toujours compliqué parce qu'il y avait plus de chances pour que je détraque tout que je parvienne à faire ce que je voulais. Comme en réponse, l'écran se couvrit de neige et je dus patienter avant de parvenir à terminer le nom de ce que je cherchais.

Beahan fronça les sourcils en tapant comme un gorille sur le tableau de bord. Pourquoi les mortels tapaient-ils sur tout ce qui ne fonctionnait pas ? Pas étonnant que les relations internationales soient si compliquées quand le premier réflexe devant un problème était de taper dessus !

- Mais qu'est-ce que... ? Pourquoi est-ce que tu m'affiches ça ? Mais tu vas t'éteindre, fichu truc ?!

Il finit par cesser de lutter et son front heurta le volant. Il soupira longuement.

- Non. Je ne laisserai pas Rollings mettre ses sales pattes sur mon affaire, marmonna-t-il. C'est hors de question.

Je fis grésiller l'écran, ramenant son attention sur le GPS. Je pus lire l'hésitation sur ses traits. Il était tiraillé entre son envie de faire demi-tour et la promesse qu'il avait faite à sa meilleure amie.

- Et puis merde ! On verra bien !

Il enclencha sa vitesse et sortit du parking. Je me renfonçai dans mon siège, laissant l'écran du GPS se remettre d'aplomb. Je ne pus louper le haussement de sourcil de Beahan. Avait-il saisi que, oui, son GPS lui avait envoyé un signe ? J'en doutais. Il devait remettre ça sur le compte d'une étrange coïncidence. S'il y avait une chose que j'avais apprise de Declan Beahan depuis que je veillais sur lui, c'était que, peu importe que son amie d'enfance soit une sorcière, il fallait que le paranormal le frappe en pleine poire pour qu'il y croie.

Il était toujours nerveux mais moins que sur la route menant à Mena. Sur l'autoroute, il s'enfonça dans son siège, un coude appuyé contre la portière, fredonnant la musique qu'il avait mise en route. Pour un humain, il chantait plutôt bien. Comparé à un ange, sa voix ressemblait à une batterie de casseroles mais, de façon objective et remise dans un contexte de comparaison juste, il ne chantait pas si mal. C'était supportable.

Ce qui me perturbait, c'était la chanson en elle-même. J'avais appris à faire attention à tous les signes possibles. La plupart n'arrivaient pas à aboutissement mais certains, les plus mauvais, arrivaient parfois à traverser le champ de mon influence pour survenir. Et une chanson appelée Car Crash ne me mettait pas à l'aise tandis qu'il fonçait sur l'autoroute au milieu de centaines d'autres voitures. Pour n'importe qui, c'était dérisoire. Pas pour moi. Surtout pas quand ça se conjuguait avec un sentiment de malaise dans le creux de mon estomac.

A Season In HellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant