Chapitre 7 - Retrouvailles

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Le seul réflexe d'Anthémis fut alors de passer son chemin sans un nouveau regard pour l'homme qui se tenait à quelques mètres d'elle. Il l'avait vue, mais l'avait-il reconnue ? Il ne valait mieux pas ; connaissant le personnage, il serait parfaitement capable d'aller la dénoncer. Mais la question qui taraudait le plus la jeune fille était : qu'est-ce qu'il fabriquait là ? Durant tout ce temps, Anthémis avait été persuadée qu'il s'était fait refléter ou qu'il vivait en ermite à la fois pour se cacher des Miroirs et pour rester seul à jamais – puisqu'il semblait détester tout le monde –, mais en réalité, il avait vécu à Dryadalis ? Depuis combien de temps était-il là, et surtout, comment avait-il fait pour infiltrer la capitale ? S'était-il fait rechercher, lui aussi ?

Alors qu'elle continuait de marcher aux côtés de Kleon, une voix forte retentit, sortant Anthémis de sa torpeur.

– Alors, Kleon, tu nous ramènes une copine ?

Le terme « copine » fit glousser silencieusement la jeune fille (bien qu'une part d'elle-même était encore perplexe en pensant à Berbéris), non-pas parce qu'elle était gênée, mais parce que ce mot n'évoquait pour elle rien de la relation qu'elle entretenait avec son hôte. Pour elle, des copains, c'était le genre d'amitié qu'on liait à l'école maternelle, quand on jouait à la marelle et au chat ensemble ou qu'on s'invitait pour des soirées pyjama. Et s'imaginer entretenir une telle relation avec le jeune homme était assez comique. Ou alors, « copine » pouvait avoir un deuxième sens, plus romantique, mais Anthémis n'osa même pas imaginer une telle relation entre elle et Kleon.

Elle leva la tête vers la personne qui avait parlé. Il s'agissait d'un homme, âgé de la soixantaine à peu près, vêtu d'une longue tunique bleu marine serrée au niveau de la taille par un cordon doré ; il n'avait presque plus de cheveux sur le haut du crâne, et des poils gris et blancs recouvraient une bonne partie de ses joues jusqu'au haut de sa mâchoire. Il sembla à Anthémis reconnaître le marchand qui avait vendu les combinaisons aux Sans-Reflets, car il portait les mêmes boucles d'oreille en forme de soleils que l'homme de ce jour-là. C'était probablement pour lui que travaillait Kleon.

– C'est ma cousine, répondit vaguement le jeune homme.

L'adolescente ne releva pas son mensonge – ce serait bien stupide de sa part – et décida de jouer le jeu.

– Ta cousine ? répéta le marchand. Tu ne m'avais pas dit que tu avais une cousine ! (Il se baissa vers Anthémis, ce qui eut tendance à la faire reculer.) Comment t'appelles-tu ?

La jeune fille eut un moment d'hésitation ; pouvait-elle donner son vrai prénom ? Après tout, personne ne savait que l'intruse se nommait Anthémis. Mais au cas-où, peut-être ferait-elle mieux de changer son identité, on ne savait jamais ...

Le marchand continuait de la regarder, haussant les sourcils, se demandant sûrement pourquoi cette petite n'était pas capable de lui donner son prénom.

– Excuse-la Gleb, commença Kleon, elle est un peu ti ...

– Thaïs, finit par répondre Anthémis. Je m'appelle Thaïs.

Kleon la considéra comme si elle était profondément stupide – sûrement pensait-il qu'elle ne risquerait rien en donnant son vrai prénom –, mais le prénommé Gleb acquiesça vivement et lui assena une légère claque dans le dos.

– Bien, et que nous vaut ta présence ici, Thaïs ?

– Je ... hum ... balbutia l'adolescente.

– Elle m'a proposé son aide, rétorqua Kleon sans ciller. Elle vient d'arrêter ses études et elle voudrait se trouver un métier.

Anthémis hocha la tête pour appuyer les paroles de son compagnon. Gleb la toisa de haut en bas, visiblement surpris.

– Tu as arrêté tes études ? Mais quel âge tu as ?

Reflétés T3 - DryadalisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant