Reflétés T3 - Dryadalis

Chapitre 26 - L'invasion

Anthémis et Edel fermèrent rapidement les lourdes portes du Palais après leur passage, essoufflés. Aucun Varlet ne surveillait les alentours de la demeure, mais quelques Miroirs avaient par malheur réussi à passer par-dessus les barrières – aussi hautes fussent-elles – et n'avaient pas hésité avant de courir après les deux jeunes gens. Le souffle court, Anthémis permit à ses jambes de flancher. Elle se rattrapa à une rambarde.

– On va le faire, lui assura Edel d'une voix ironiquement tremblante. On va le faire, ne t'en fais pas.

L'adolescente le regarda de ses yeux jaunes. Elle n'était pas bien remise mais elle savait devoir protéger Edel. C'est ce que lui avait demandé Adélaïde. « Toi tu as déjà largement été reflétée, lui avait-elle dit, mais Edel, lui, il risque gros. Les Miroirs vont être attirés par sa peau humaine et s'il se fait attraper, il ne saura pas se dégager de leur emprise. Garde-le en sécurité. » Anthémis lui avait promis de lui ramener Edel sain et sauf.

Elle tressaillit pourtant quand elle entendit de grands coups contre les portes du Palais. Ils étaient là. Il ne fallait surtout pas qu'ils entrent à l'intérieur. Il y avait encore des prisonniers dans les geôles, des domestiques, et une reine à qui il fallait soutirer des informations – car Opale leur avait avoué ne pas savoir exactement comment arrêter le système de la txipa et rendre donc humains les Miroirs.

Edel, de sa main gantée, attrapa celle reflétée d'Anthémis et la serra entre ses doigts.

– On va le faire, répéta-t-il.

La jeune fille hocha la tête. Ils n'avaient plus le choix, de toute manière. C'était soit ça, soit la mort, comme le leur avait sagement rappelé Opale.

Anthémis fit quelques pas dans le large hall du Palais. Ses dalles en mosaïque avaient certainement été immaculées avant d'être piétinées de bottes boueuses. Les deux jeunes gens longèrent une allée de colonnes marbrées avant d'atteindre une salle plus petite mais non moins luxueuse dans laquelle se trouvaient des sofas et des coussins de velours. Assis dessus, des Varlets exténués, dont le front de certains ruisselaient de sueur, avaient le regard dans le vague. Anthémis recula immédiatement, alertée par le bleu typique de leur uniforme et par l'imprimé du Temporel gravé sur leur poitrail. Malheureusement, un homme, qui était déjà debout et regardait gravement par la fenêtre, l'aperçut. Ce n'était pas un Varlet. Sa longue tunique pâle cintrée par un ruban doré jurait avec les combinaisons des autres hommes. Il portait sur lui une veste qui lui arrivait aux genoux, et sur son dos apparaissait l'emblème d'Hodei en de vives couleurs. Ses interminables cheveux blonds étaient relâchés et décoiffés.

Anthémis comprit lorsqu'elle distingua, brodé en lettres d'or sur sa veste, son nom : Eneko Ileluzea. Elle l'avait complètement oublié depuis tous les derniers événements, mais elle s'en rappelait désormais. Le Vassal du fief Est.

Ce dernier n'hésita pas avant de sortir de son étui un poignard aiguisé, qu'il pointa directement en direction des deux intrus. En direction de l'adolescente, plus précisément.

– Sors d'ici, sale monstre !

Il fallut à Anthémis deux ou trois secondes avant de réaliser que c'était son apparence presque entière de Miroir qui le dégoûtait de la sorte. Elle avait pourtant l'habitude d'être traitée de monstre, ne serait-ce que quand elle n'était toujours qu'à peine reflétée.

Le Vassal, qui faisait bien deux têtes de plus que la jeune fille, s'avança dangereusement vers elle, le poignard fermement tenu entre ses doigts. Anthémis le laissa faire sans bouger. Edel attrapa d'une main le bras de l'homme.

– On n'est pas venus pour vous, l'informa-t-il. On ne vous fera ...

Il fut coupé dans sa réplique par le Vassal qui pointa la lame de son couteau en direction du visage du jeune homme avant de brasser l'air d'un geste rapide. Edel eut le réflexe de fléchir les genoux à temps, et il esquiva ainsi de justesse l'arme qui aurait facilement pu lui crever un œil. Le regard du Vassal était presque aussi perçant que celui d'Anthémis depuis que ses yeux avaient pris la couleur des Miroirs. La mâchoire serrée, il retourna son attention en direction de l'adolescente. Ce fut pourtant à Edel qu'il s'adressa :