Anthémis dévisagea la jeune femme avec dans le regard la plus totale des incompréhensions.
– Bonjour, lui dit simplement Opale, un petit sourire en coin.
Elle fit quelques pas en direction de la fugitive, sans adresser un seul coup d'œil à Anselme. Les pans de sa robe multicolore virevoltaient autour de ses mollets à chacun de ses gestes, lui donnant l'allure d'une petite fille s'étant faite jolie pour un événement particulier. Ses cheveux, dont une mèche lui obstruait un œil, suivaient le mouvement.
Elle ressemblait trait pour trait à celle qu'avait connue Anthémis à l'époque des Sans-Reflets. Et pourtant, l'Opale qu'elle connaissait n'avait rien à faire au Palais.
– Je ne vous ferai pas de mal, tenta de les rassurer la jeune femme.
Ses yeux brillaient de malice, et son sourire s'élargit. Elle n'avait pas l'air surprise de découvrir Anthémis et un Varlet dans le deuxième sous-sol du Palais, et encore moins affolée par la situation et par l'alarme qui continuait de cracher ses vibrations aiguës au rez-de-chaussée. En vérité, elle donnait l'impression de ne s'être jamais autant amusée qu'à cet instant.
– Anthémis, émit-elle. Tu devrais partir.
La jeune fille fronça les sourcils. C'était Opale qui lui disait cela ? Aucune des deux n'avait intérêt à rester à cet endroit, si du moins elles tenaient à en sortir sans séquelle. Bien sûr, Opale était bien plus agile et forte physiquement qu'Anthémis, mais elle ne saurait pas grandement mieux s'en sortir qu'elle si jamais elle se retrouvait face à une vingtaine de Varlets durement entraînés.
– Retourne à Eleguerio si tu le peux, continua la jeune femme. Va retrouver ce qui reste des Sans-Reflets. Ils ont besoin de toi, et pour le moment tu n'es d'aucune utilité ici. Tu reviendras quand la voie sera libre.
Elle avait tout énoncé sans la moindre marque d'hésitation, comme si elle s'était préparée et connaissait son texte sur le bout des doigts – ce qui laissait deviner qu'elle était au courant de la présence d'Anthémis dans le Palais depuis quelque temps déjà.
La jeune fille ne lui répondit pas. À la place, elle lui posa une question, la seule qu'elle parvenait à articuler tant la situation la dépassait :
– Qu'est-ce que tu fais ici, Opale ?
Anselme répéta ce prénom, visiblement surpris. D'ailleurs, plus que de la surprise, c'était l'angoisse qui lui déformait les traits du visage. Il avait l'air plus étonné d'entendre Anthémis appeler la jeune femme « Opale » que de voir ladite femme dans le deuxième sous-sol.
Opale haussa nonchalamment les épaules et leva les yeux au ciel, comme si elle cherchait la meilleure façon d'expliquer la situation.
– Disons que j'ai vécu ici, finit-elle par rétorquer. Mais peu importe. Tu dois y aller. Vous devez y aller.
– Mais ... mais je ne comprends rien ...
– Il n'y a rien à comprendre. Retourne à Eleguerio, on t'y expliquera certaines choses. Le reste, ne t'en soucie pas. Contente-toi de fuir.
Sur ce, Opale attrapa Anthémis par le bras et la tira avec elle jusqu'au mur devant lesquels les pas dans la poussière s'arrêtaient. Sans laisser le temps à la jeune fille d'assimiler les informations, elle sortit une clef dorée de sa veste ample et l'introduisit à l'intérieur d'une brique, dans une fente si minuscule que ni la fugitive ni le Varlet ne l'avaient repérée. Un cliquetis plus tard, une porte glissa d'elle-même sur le côté, laissant le passage à une cabine blanche dont un panneau de contrôle était recouvert de divers boutons. Ce petit espace secret, entièrement blanc et presque futuriste, différait tellement du deuxième sous-sol sombre et lugubre qu'Anthémis dut se frotter les yeux pour être sûre de bien voir ce qui se tenait face à elle.
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Reflétés T3 - Dryadalis
FantasySuite aux événements d'Eleguerio, Anthémis décide - assez hâtivement - d'atteindre et d'infiltrer illégalement la capitale, Dryadalis. Elle n'a qu'un objectif en tête : sauver, si elle le peut, les êtres qui lui sont chers. Si, au début, son escapad...