Anthémis se précipita dans le hall du Palais. Le claquement de ses bottines contre le sol carrelé aurait sûrement résonné dans toute la salle si elle n'avait pas été exceptionnellement remplie à craquer de Miroirs.
De Miroirs parfaitement immobiles.
Edel la rejoignit aussitôt, et remarqua Anselme qui inspectait scrupuleusement le moindre détail du visage des créatures, avec dans le regard une fascination curieuse.
– C'est ... commença Anthémis, sans pourtant finir sa phrase.
Elle en avait perdu les mots.
Ils n'en étaient toujours qu'au hall du Palais, mais déjà, ils étaient médusés devant le spectacle qui se tenait en face d'eux. Les Miroirs, habituellement bien calmes, étaient cette fois plus muets que jamais, et un silence à la fois morbide et libérateur flottait dans les environs.
Il fallut de bonnes minutes à Anthémis pour qu'enfin elle se décide à se déplacer, et qu'elle passe lentement entre les rangées de Miroirs comme on l'aurait fait dans un musée. Les yeux des créatures s'étaient fermés, et la jeune fille pouvait encore voir leur poitrine se gonfler puis se creuser au rythme de leur respiration. Elles étaient encore bien vivantes, seulement incroyablement statiques. Exceptée la poitrine, tout, de leur corps, semblait avoir été sculpté dans l'argile ; pas le moindre doigt ne bougeait, pas un seul haussement de sourcil, pas de vacillement de jambe. Des statues au cœur en vie.
– J'ai quelque peu perdu ma confiance en Opale, déclara Adélaïde, mais là, je dois avouer que ... qu'elle a assuré. En oubliant la capitale en feu, rajouta-t-elle précipitamment.
Anthémis, circulant doucement entre les rangs, observa, sans les toucher, les Miroirs qu'Opale avait visiblement réussi à arrêter. Comment avait-elle bien pu faire ? La jeune fille était prête à tout abandonner quelques minutes auparavant, et voilà que tout rentrait dans l'ordre. Subitement. Alors même que la reine semblait penser cela impossible.
Bien qu'ils fussent inoffensifs, l'adolescente craignait qu'ils eût suffi qu'elle détourne les yeux un instant pour que les Miroirs se réveillent et lui sautent dessus. Elle avait lu une histoire de la sorte, où les statues sortaient de leur sommeil pour attaquer les passants qui ne leur prêtaient pas attention. Il n'y avait, en Hodei, pas beaucoup de statues – les seules présentes étaient celles de la Famille Dirigeante, et notamment celle de Sem Hodei qu'on retrouvait dans chaque ville et dans chaque village –, si bien qu'Anthémis n'en avait jamais vraiment eu peur, mais désormais, elle se sentait légèrement mal à l'aise. Pourtant, les créatures s'étaient éteintes. C'est ce qu'elle voulait et c'est ce qu'il fallait. Elle aurait crié au miracle si elle ne se doutait pas que maline comme l'était Opale, celle-ci avait sûrement trouvé un moyen secret pour stopper la txipa.
Un bruit sourd retentit. Edel, épuisé par les heures de marche, par l'angoisse de mourir et par le sang qu'il avait perdu, s'était laissé tomber à terre. Anthémis se précipita vers lui et s'agenouilla près de son épaule. Elle était encore sous le choc et les mots refusaient toujours de sortir de sa gorge. Elle resta simplement ainsi, près de lui, n'osant le toucher.
Adélaïde se décida à fouiller dans la trousse de secours du jeune homme pour en sortir une épaisse bande de sparadrap, espérant pouvoir stopper le sang qui ne cessait de couler sur les bras d'Edel.
Personne ne parla durant un certain temps. Anthémis se demandait où étaient passés les Varlets et le Vassal quand, justement, Eneko Ileluzea fit son entrée dans le hall du Palais.
Il n'avait pas fière allure. Sous l'emprise de la panique, il s'était reflété tout seul une bonne partie du corps. Il était seul et titubait faiblement.
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Reflétés T3 - Dryadalis
FantasySuite aux événements d'Eleguerio, Anthémis décide - assez hâtivement - d'atteindre et d'infiltrer illégalement la capitale, Dryadalis. Elle n'a qu'un objectif en tête : sauver, si elle le peut, les êtres qui lui sont chers. Si, au début, son escapad...