Chapitre 12 - Le Varlet

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La chaleur d'un corps vint recouvrir ses frêles épaules et une voix douce, quoique tremblante, vint résonner à ses oreilles comme une berceuse d'enfance. Anthémis se laissa faire, sonnée.

Si c'était un rêve, il était drôlement réaliste.

Son père la tenait si fort contre lui que le poitrail de son uniforme de Varlet, s'écrasant contre le haut du buste et le visage de la jeune fille, lui fit mal.

La sensation était présente, bien réelle.

Ce n'était pas un rêve.

Le constater laissa Anthémis en état de choc, sidérée de ressentir à nouveau et à plein nez l'odeur si familière de son père. Pourtant, au lieu de retrouvailles animées et émouvantes, édulcorant la profonde amertume de la jeune fille, l'adolescente resta immobile, son corps mou suivant silencieusement les mouvements de bras de son père tandis qu'il la tenait contre lui.

Quand enfin il la lâcha, ses yeux larmoyants croisèrent le regard d'Anthémis.

Un regard surpris, mais qui ne laissait paraître aucune trace d'affection, ni même de soulagement.

Elle n'arrivait pas à croire ce qu'il se passait, et Anselme Vanderguel le comprit vite. Pourtant, il ne dit rien, et se contenta de la contempler comme si elle était un tableau ou une sculpture particulièrement émouvante, tandis que deux ou trois sanglots s'échappaient de sa gorge.

– Papa ... ? finit par émettre Anthémis d'un ton méfiant, comme si elle soupçonnait l'homme qui se tenait devant elle d'être un escroc. C'est bien toi ? Ou cet endroit me fait devenir folle ?

Une voix rassurante vint souffler un air chaud dans la poitrine de la jeune fille lorsque le Varlet lui répondit :

– C'est moi, c'est bien moi. Oh, ma chérie ... (Ses yeux rouges se plissèrent et de grosses larmes se déversèrent sur ses joues. Anthémis ne l'avait jamais vu dans un pareil état.) Ça doit bien faire trois années entières que je n'ai rêvé que de vous retrouver, toi et Ambroisie ...

La jeune fille ne dit rien à propos de sa sœur. De toute manière, elle ne se sentait pas capable d'aligner trois mots correctement tant son esprit partait dans des directions drastiquement différentes sans former de chemin logique entre elles.

– Mais qu'est-ce qui t'a pris de venir ici ? lui demanda Anselme en essuyant ses larmes. Pourquoi ?

– Ce serait trop long à expliquer, rétorqua Anthémis en essayant de faire de l'ordre dans ses pensées. Mais Papa, je te croyais mort et te voilà sous mes yeux !

– Ce serait trop long à expliquer, l'imita son père. Et le temps presse. Je dois te faire quitter les lieux le plus vite possible. Nous parlerons de tout ça plus tard.

– Quoi ... ? Mais Papa ... Attends ! (Elle s'était mise à crier lorsque Anselme s'était levé et l'avait tirée par le bras pour l'aider à se lever. L'homme, anxieux, se hâta de poser une main sur la bouche de la jeune fille pour la faire taire et ne pas alerter les Varlets du coin.) Papa ... (Il la laissa parler en retirant sa main et la posant tendrement sur la tête d'Anthémis.) Je viens à peine de te retrouver, ou plutôt, je viens à peine de découvrir que tu es en vie depuis tout ce temps, et tu veux déjà que je te suive n'importe où ? Je ne comprends rien, je ...

La jeune fille fut coupée dans ses paroles par un sanglot. Sous le choc, elle n'avait pas tout de suite réagi, mais désormais, les larmes perlaient à grosses gouttes. Elle ne saisissait rien de la situation, mais son père se tenait devant elle et c'était déjà plus que tout ce qu'elle avait osé espérer depuis son arrivée au Palais.

Reflétés T3 - DryadalisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant