Chapitre 14 - Le deuxième sous-sol

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Un cliquetis se fit entendre, et le Varlet ouvrit la porte avec méfiance, comme s'il s'était douté que la fugitive se trouvait dans le laboratoire. Anselme ne lui laissa pas le temps d'émettre le moindre mot. Il lui écrasa la pointe de son arme contre le ventre et l'homme fut pris de violentes convulsions avant de s'étaler au sol et de ne plus bouger d'un seul cheveu. Anthémis, croyant qu'il était mort, dévisagea son père avec stupéfaction.

- Ne me regarde pas comme ça, grommela-t-il. Je ne l'ai pas tué, seulement paralysé. Viens, nous avons des problèmes plus importants à régler.

Passant ses bottines en face du visage semblant sans vie du Varlet, l'adolescente le contempla quelques secondes, lui qui lui paraissait encore intimidant quelques minutes auparavant et qui maintenant était allongé à ses pieds, comme endormi. Si elle avait su qu'il serait aussi simple de se débarrasser d'un Varlet, elle aurait essayé de se procurer cette arme bien avant tout cela.

Elle joignit sa main à celle de son père.

- Suis-moi, lui souffla Anselme. Je connais les couloirs peu fréquentés.

Anthémis se décida à le suivre, sur une partie du chemin du moins. Elle hésitait encore à rester dans le Palais. Cette idée était parfaitement suicidaire : son évasion n'était pas passée inaperçue, et elle était désormais recherchée à même la demeure. Elle n'avait aucune chance de réchapper aux Varlets si elle s'obstinait à rester à l'intérieur du Palais, et, de surcroît, elle n'avait absolument aucune envie de revivre l'expérience qu'avaient été ses interrogatoires et la bassine. Pourtant, une part d'elle - cette part qui avait depuis longtemps prévu d'aller jusqu'au Palais, cette part qui lui murmurait désormais à l'oreille qu'il serait dommage d'abandonner si près du but - la retenait les pieds empêtrés dans le tapis bleu des couloirs.

Malgré cette hésitation, elle se laissa entraîner par son père le long des corridors tandis que l'alarme continuait de leur cracher ses vibrations atrocement aiguës aux oreilles. Anselme avait dit à sa fille que les chambres des Varlets se situaient au quatrième étage, et qu'en empruntant les couloirs les plus étroits et les raccourcis du Palais, ils avaient une petite avance sur eux. Avec l'alarme, toutes les lumières de la demeure s'étaient allumées simultanément, ce qui réglait leur problème de détecteur de mouvement trahissant leur présence. Ils s'octroyèrent donc le droit de délaisser leur démarche lente et vigoureuse de la dernière fois pour se mettre à courir main dans la main, le cœur battant à tout rompre.

*

Si Anthémis avait su qu'elle reverrait un jour son père, elle n'aurait jamais soupçonné l'idée que ce serait à l'occasion d'une évasion au sein de la demeure de la Famille Dirigeante. Cette situation était digne d'un rêve - ou d'un cauchemar, tout dépendant du point de vue - que la jeune fille aurait été capable d'imaginer durant ses sommeils agités, lorsqu'elle n'avait que treize ans et qu'elle venait de perdre son père. Un rêve qu'elle se serait amusée à raconter à Ambroisie, un sourire triste aux lèvres.

Désormais, elle ne savait pas trop si elle devait se lamenter ou sauter de joie. Son père était à ses côtés mais il risquait sa vie pour la sauver. Cette idée lui procurait des émotions contradictoires.

Et elle se sentait monstrueuse d'hésiter à ce point entre suivre son père qui, pour elle, était prêt à tout abandonner - son travail, son honneur, sa liberté, sa vie -, et rester au Palais envers et contre lui. Il avait accepté de fouiller la demeure avec elle, mais maintenant qu'elle était de nouveau recherchée, il s'apprêtait très certainement à la faire sortir du Palais. Mais Anthémis n'en avait aucune envie. Qu'y avait-il, dehors ? Encore une Dryadalis sur ses gardes qui n'hésiterait pas à la pousser dans ses filets dès qu'elle aurait repéré la fugitive. Et après Dryadalis ? Un Hodei vide, déserté, abandonné et ravagé, empli d'ombres noires, dévastatrices et mangeuses d'humains, qui ne feraient qu'une bouchée de la jeune fille qu'était Anthémis. Le Palais était sa seule chance de survivre.

Reflétés T3 - DryadalisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant