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Le soleil automnal au centre du ciel dégagé de Milford Island, illuminait la petite île. Avec son Stetson vissé sur la tête, le chérif Magwell avançait d'un pas nonchalant. Le sol sableux du sentier qui menait à l'église avait recouvert de poussière ses chaussures à éperon. La pente était abrupte, surtout pour un homme de sa condition physique. Son ventre bedonnant remplissait sa chemise bleue claire impeccablement repassée à laquelle était attachée son insigne de police. Il vit enfin un clocher apparaître en haut de la colline. Il arriva finalement devant les immenses portes de l'église. Il retira son chapeau qui dissimulait quelques cheveux blancs, puis entra. L'église était vide et un silence d'outre-tombe régnait.

- Mon père ? Résonna sa voix.

Il s'enfonça un peu plus dans l'église. Les rayons de soleil qui pénétraient les vitraux offraient un éclairage multicolore sur les murs en pierre du bâtiment. Le claquement de ses chaussures à talonnettes se faisait entendre à chacun de ses pas. Il se dirigeait vers l'autel lorsqu'une voix l'interpella.

- Ah, Magwell te voilà enfin, le salua le prêtre depuis le confessionnal. Viens t'asseoir.

D'un coup d'œil, le chérif localisa l'origine de l'écho, marcha d'un pas décidé vers son interlocuteur et prit place sur le petit siège en bois de l'autre côté d'un rideau rouge qui préservait l'intimité des croyants.

À travers le grillage qui séparait les deux compartiments de l'isoloir, le chérif devinait dans l'obscurité les traits du père Scott. Son visage de cinquantenaire laissait apparaître quelques rides. Il portait une large toge marron tenue par une cordelette qui entourait sa taille. Un nez légèrement crochu, des dents presque aiguisées, et une tonsure mal dessinée lui donnaient quelque peu une allure de rat. Il se racla la gorge avant de prendre la parole.

- Alors comme ça on a pêché, et on veut se faire pardonner, ricana-t-il avant de reprendre son sérieux. Allez, parle-moi de ce soir.

Magwell sortit de sa poche un minuscule calepin sur lequel il griffonna quelques mots. Il déchira la feuille et remit son carnet dans sa poche.

- Tout est prêt. Les deux camionnettes sont garées aux lieux indiqués, avec le matériel nécessaire, déclara-t-il d'un ton grave en faisant passer le papier à travers les trous du grillage.

Le père Scott examina le petit carré de papier et le plia minutieusement.

- Bien, et les acteurs principaux de notre petite aventure, où en sont-ils ?

- Ils sont en route. Nous serons dans les temps pour le 31. La cérémonie aura lieu, assura-t-il.

Le prêtre frappa dans ses mains et poussa un soupir de soulagement. Le chérif imaginait sans le voir le sourire immense du prêtre.

- Cette semaine s'annonce fantastique ! S'enthousiasma-t-il.

Le chéri se frotta le nez et renifla bruyamment.

- Oui, fantastique... Grommela-t-il.

- Tu as fait du bon travail, félicita le père Scott, tu seras grassement payé comme convenu.

Puis, il s'approcha du grillage qui les séparait.

- Je te sens anxieux, murmura-t-il. Aurais-tu peur ?

Magwell frappa le grillage faisant sursauter le prêtre. Il laissa laissa un long silence et finalement répondit.

- Je ferai le travail. Et ensuite, je quitterai Milford Island pour toujours, comme prévu. Alors occupez-vous juste de remplir votre part du marché, et tout ira bien, chuchota-t-il en se levant.

Le père Scott se leva à son tour.

- Parfait ! Je crois que tous tes pêchés sont confessés, s'exclama-t-il. Tu peux y aller. On se revoit ce soir au bar pour que tu reçoives la première partie de ta récompense grandement méritée.

- C'est entendu. Alors à ce soir.

Le chérif s'éloigna d'un pas vif. Le prêtre l'interpella tandis qu'il sortait de l'église.

- Magwell, repose-toi bien. Le programme de cette nuit est chargé, ne l'oublie pas ! Lança-t-il.

- Je serai en forme, hurla-t-il au loin sans se retourner. En pleine forme !

Puis il emprunta le sentier qui descendait vers le centre de Milford Island.

Bienvenue à Milford IslandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant