13: thérapie

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Je n'apprécie pas du tout le rejet de Zélie

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Je n'apprécie pas du tout le rejet de Zélie. Je sais qu'on ne s'apprécie pas mais j'avais un peu d'espoir qu'elle accepte. Après tout, c'était si puéril de demander une chose pareille à une personne pareille. Je n'ai même pas réfléchi... j'ai juste dit ce qui me rongeait depuis quelques temps.

Je griffe la peau autour de mes ongles, veillant à ne pas la faire saigner cette fois-ci, me permettant de calmer ma frustration. J'ai peur. J'ai terriblement peur de la rentrée. Je ne supporterai pas qu'elle raconte ce que j'ai dit à quelqu'un, que je sois son bouc-émissaire et qu'elle l'utilise pour se moquer de moi.

Je devrais aller la voir et trouver un moyen d'arranger la situation. Pourtant, je ne sais pas comment lui expliquer. J'étais si persuadée qu'elle allait accepter étant donné sa réaction pendant la séance photo. J'aurai dû y réfléchir à deux fois. Zélie a raison. Je suis stupide. Je n'ai pas réfléchi aux conséquences, ni aux moyens pour y parvenir. Je dois juste supporter ces quatorze jours en fermant ma gueule pour qu'il n'y ait pas de problème.

C'est le mieux à faire. Rester dans son coin.

Je pourrais lui dire que c'était une blague pour détendre l'atmosphère entre nous ou que c'était pour qu'elle pense à autre chose qu'aux photographies. J'espère qu'elle oubliera vite cette idée puérile.

Pendant le repas, on nous a expliqué que plusieurs photos prises ce matin seront imprimées et accessibles dans la salle informatique. Je me suis dépêchée d'y aller avant que le tas d'ados arrive pour que personne ne voit mes photographies.

A mon grand bonheur, il y a peu de gens : seul Tobias au fond de la salle, le garçon émo de ce matin. En entrant, je le salue mais il ne répond pas, lâchant les mêmes regards impertinents qu'il y a quelques heures. Il a l'air de chercher une photographie.

- Si tu vois ma tronche, passe-la-moi, me lâche-t-il de sa voix rauque.

Il pourrait être plus sympathique, mais je ne rajoute rien. Je suis déjà occupée à regarder sur les tables les dizaines de clichés d'ados en pleine déprime. En marchant un peu, je vois la sienne. Je commence à la prendre pour lui donner, je le regarde et je préfère abandonner, le laissant chercher sa « tronche ». Je suis plutôt fière de moi en posant le papier sur la table et en l'observant toujours chercher. Il n'avait qu'à être plus poli.

Je vois une photographie de moi prise par le tyran. Les projecteurs font ressortir mon acné, mes cheveux sont en batailles alors que je les avais coiffé ce matin, ce qui me donne le réflexe de les brosser avec mes doigts. Je peux discerner sur mon visage que je n'étais pas du tout à l'aise. Je ne suis finalement pas une professionnelle des faux sourires. 

Je la prends, la plie en deux et la cache dans la poche avant de mon pantalon. Je continue de partir la pièce afin de voir s'il y a d'autres.

Soudain je tombe sur celle de Zélie. Elle semble bien plus mal à l'aise dessus que dans la réalité. Cela me fait de la peine malgré sa méchanceté envers moi. Je me dis que je pourrais lui donner et que j'aurais une bonne raison de lui dire que l'idée de fuite était une blague. Je regarde autour de moi. Tobias a l'air d'avoir trouvé sa photographie puisqu'un léger sourire s'est dessiné sur sa tête aussi déprimante que la mienne. Il la prend et observe autour de lui. Nos regards se croisent.

- Tu veux quoi ? Ma photo ? dit-il comme un gamin de huit ans.

- C'est le cas de le dire.

Il me fait un doigt d'honneur et je lui en fais un par politesse en lui souriant. Il baisse sa capuche pour cacher ses racines rousses et laisser ses cheveux bien lisses et noirs visibles. Ses mains dans ses poches, il quitte la salle en roulant des yeux. Je le trouve vraiment irrespectueux. Quant à moi, je vérifie que personne ne soit là et je prends la photographie de Zélie, espérant lui faire plaisir : personne d'autre que moi n'aura vu ce qui la rend si mal. 

A la sortie, je me rends compte que Tobias était toujours proche de la pièce lorsque j'ai volé le cliché. Je pars sans lui laisser dire quoi que ce soit avec l'espoir qu'il n'ait rien vu.

J'entre dans ma chambre, ferme la porte le plus doucement possible, veillant à être discrète. Je sors la photo de Zélie. J'ai l'impression d'être une espionne, ce genre de personne qui n'a rien de mieux à faire que de chercher des informations sur quelqu'un. Je fais partir cette pensée et me concentre sur ce que je dois faire. Je suis à la recherche d'un bon endroit pour cacher ce papier tant convoité. 

Dans mon placard : ce serait trop évident. Pareil pour mon sac. Je ne sais pas si mes colocataires sont du genre à fouiller mais je ne compte pas prendre le risque. Je me rapproche alors de mon lit en vérifiant les alentours, et je soulève le matelas. Je planque ce bout de papier en dessous et pars comme si de rien n'était.

L'activité de l'après-midi est tout simplement ce que je fais chaque semaine depuis ma tentative de suicide : parler à un psychologue. Enfin... parler est un bien grand mot. Plutôt écouter ce qu'il dit, ignorer une grande partie et répondre aux restes par des mots simples. Autant dire que je ne suis pas enjouée d'aller voir Loïc. 

Il m'a prévenue, en revanche je ne pensais pas que ce serait une thérapie. Je suis encore heureuse que ce soit individuel, sinon j'aurai fait semblant d'être malade en m'enfermant à clé dans les toilettes jusqu'au repas du soir.

- Danaé, tu veux bien me parler de la raison de ta venue ?

Je veux esquiver le sujet. Même quand j'essaye d'en parler, j'ai l'impression que je dramatise tout. C'est sûrement le cas. J'ai l'impression que les autres pensent que je fais ça pour qu'on s'intéresse à moi, que mon histoire n'est pas suffisante pour commettre l'irréparable. Alors, je n'en parle pas. Je ne prononce aucun mot ni sur mes raisons ni sur le mal-être que je vis. Je sais bien que je suis en bonne santé, dans un endroit sûr et que je ne ressemble qu'à une drama queen en pleine crise.

- Car c'est l'activité de l'aprèm ?

- Tu vois très bien ce que je veux dire... bon, pourquoi tu t'es retrouvée à ne rien faire l'autre matin ?

Dire que je n'ai plus la motivation de faire quoi que ce soit, que je me sens mal, que je ressens le besoin de me couper à chaque instant afin d'être dans ma zone de confort, de rester coller au cul des gens comme Anna en sachant pertinemment qu'elle n'est pas bien pour moi mais que je sais très bien que je me retrouverai seule sinon : je ne veux pas en parler.

- Je n'avais pas envie, c'est tout. Je n'ai pas envie de les connaître. C'est pas mon choix de venir ici. Et puis, à la fin de la colonie, on se reverra pas. Autant les animateurs que les adolescents, donc c'est une perte de temps.

- Pourtant tu as suivi Zélie.

- Et alors, que cherches-tu ?

- Première à comprendre, puis on verra ce qu'on fait par la suite... d'accord Danaé ?

- Demande à Suzanne, je réponds d'un ton impertinent.

Il cherche certainement à comprendre de qui je parle, puis me pose la question.

- Suzanne ?

- Ma psy.

Il continue de me parler, en vain. Je suis une tête de mule et je le sais. Ces quelques minutes peut-être précieuses à ses yeux ne lui ont servi à rien. Hormis s'il veut connaître ma psy afin de soutirer des informations croustillantes.

Mise en ligne : 11/10/19

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NDA : Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

Que pensez-vous de Tobias, l'émo impoli de la colonie ? 

En général, vous pensez-vous des psychologues ? Plutôt d'un œil négatif ou d'un œil positif ?

Trouvez-vous que Danaé est une drama queen comme elle le dit ?

DÉTOXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant