23: recherche de productivité

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Salle de classe, banale, bruyante, on se croirait au lycée

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Salle de classe, banale, bruyante, on se croirait au lycée. La seule différence est que l'on est en plein mois de juillet. Je discute avec Zélie de temps à autre mais j'attends surtout que l'activité commence, ce petit rituel deux fois par jours où toute la colonie se retrouve pour faire des activités de groupe.

J'ai toujours détesté les activités de groupe car c'est toujours moi qui me tape tout le boulot. Je n'ai pas eu l'étiquette de la bonne élève comme Flavie. J'ai plutôt eu l'étiquette de la fille sage, sérieuse et calme. S'ils savaient ce qu'il se passe dans ma tête, ils me donneraient l'étiquette de la folle à faire interner. Finalement ma perte de motivation a bien obligé mon groupe à travailler et les rôles se sont inversés. 

C'est toujours comme ça, les rôles s'inversent à un moment donné. Celui en colère devient calme, celui qui travaille n'en branle pas une, celui triste devient heureux. Ça fait tellement longtemps que j'attends le changement de rôles que j'en perds patience : je pense que c'est figé et que je ne serais jamais heureuse. 

Il m'arrive de ressentir de la joie. Mais si on prend une balance avec d'un côté tout le bonheur que j'ai eu et de l'autre tout le malheur que j'ai eu, je sais bien quel côté sera le plus lourd. Je pense que le pire dans cette histoire, c'est que la vie me donne des faux espoirs. Quand tout commence à aller mieux, c'est la rechute. 

Les rôles se sont inversés . Hier c'était Abel, aujourd'hui c'est Zélie. Qui me dit que je ne serais pas seule demain ?

Je me concentre sur le présent en chassant cette spirale de pensées négatives. Et dans le présent, on va bientôt nous expliquer l'activité de la journée. Enfin, si les gamins ferment un peu leur grande gueule.

- Rebonjour à tous, commence Alexis, cet après-midi sera celui de la productivité. Les ados en déprime ont tendance à ne rien faire de leur journée et à être perdus quand il y a trop de responsabilités. Alors, aujourd'hui nous allons vous aider à vous réorganiser et à être productifs pour faire tout ce que vous voulez.

C'est facile à dire, compliqué à appliquer.

- On va commencer par vous expliquer la miracle morning que vous appliquerez tous les jours dès maintenant... au moins à la colonie. 

Je ne sais même pas ce que c'est mais je sais que ça doit être une routine. Comme celles qu'on trouvent sur YouTube. Celles qui se ressemblent toutes et qui sont totalement fausses : mais oui bien sûr, tu ne touches jamais ton téléphone pendant ta super morning routine et tu te lèves en cinq secondes déjà maquillée.

Tiphaine se met alors à nous expliquer.

De ce que j'ai compris, c'est une routine bien différente des autres qui doit nous aider à être productif. Déjà, il faut se lever bien plus tôt qu'habituellement et elle se déroule en six étapes de plus en plus compliquées pour moi.

La visualisation. D'après les propos de Tiphaine, on doit réfléchir à notre situation future, à nos projets, à notre situation idéale. C'est déjà bien compliqué. Je pense que je me forcerais les premiers temps jusqu'à ce que je me rende réellement compte que mon avenir n'est un sombre couloir interminable sans belle sortie.

L'affirmation. C'est pour moi la plus ridicule. Il faut répéter à haute voix des choses sur la personne que nous voulons devenir. Je pense que je me répéterais "je veux être heureuse" mais je crois que l'avenir m'a réservé autre chose.

Le sport, chose que je n'ai pas fait depuis bien trop longtemps. Par flemmardise ? Totalement. Pourquoi bouger de mon lit et souffrir quand je peux m'y blottir et rester cacher du monde ?

La quatrième étape, la méditation pour maîtriser notre "stress". Si les blessures sur mes doigts indiquent mon niveau de stress, je pense que sur une échelle de un à dix j'en suis à cinquante-deux. 

C'en suis deux étapes que je ne fais jamais : écrire et lire. Écrire, tenir un journal de nos projets ou raconter sa vie. Je pense que je vais noircir ce cahier de mes pensées sombres. Et puis lire, je me vois mal réussir à me concentrer sur des mots alors que je n'arrive pas à me concentrer sur ma vie. 

En autre, ce n'est pas fait pour moi. Pourtant les animateurs nous distribuent à tous un carnet avec écrit en gros "colonie de détoxification des mauvaises pensées" et un stylo noir simple. Je m'empresse d'écrire à côté "colo détox".

- Colo détox ? Sympa le surnom, me lance Zélie. 

Zélie fait alors pareil que moi, puis le montre à Rheanna qui m'imite.

- C'est déjà moins déprimant, je réponds.

Ils nous font l'éloge du bullet journal. Organiser son année dans un simple cahier. Soit, passer plus de temps à faire le carnet qu'à faire ce qui est écrit dessus. Puis, plus simplement, un weekly planner. Et je pense que c'est ce que je vais faire.

Nous allons en salle informatique afin de créer nous-même un weekly planner. Chacun sur son ordinateur, on met les motifs que l'on veut et ce dont on a besoin. Pour ma part, j'ai mis un tableau avec les jours de la maison, un autre tableau avec mes habitudes à prendre par semaine et une liste de choses à faire. 

Mais il manque de décorations. C'est terne et triste.

- Tu veux qu'on prenne une photo, Danaé ? me demande Zélie, toute enthousiaste. 

- Comment ça ?

N'oublie pas, "tu n'es pas photogénique Danaé". Qui me dit qu'on ne se moquera pas de ma tête dessus ? C'est vrai que je n'ai jamais quoi faire quand on me prend en photo. Si je souris trop, on voit mes dents que je déteste. Si je ne souris pas assez, on dirait une psychopathe. 

- Je ne suis pas Ely, ni Ava. Ne n'oublie pas.

- Ouais, t'inquiète mais je suis pas photogénique.

Elle allume la caméra pourrie de l'ordinateur et sourit, puis je fais pareil. On peut voir deux nos têtes déprimées mais essayant de sourire, accompagnées de pixellisation.

- C'est marrant, parce que moi non plus je suis pas photogénique.

Elle prend une photo, puis une deuxième. Plus les photos sont prises, plus nos têtes sont de plus en plus drôles et naturelles : on s'en fiche du regard des autres. Je me rends compte qu'on fait ça pour nous et pas pour les regards jugeant. Rheanna se ramène sur les photos, éclatant de rire avec nous sur certaines où on fait exprès de faire des têtes étranges.

C'est différent de l'atelier photo, tout est différent.

Zélie nous les envoie par mail. Et on rajoute toutes les trois une dizaine de clichés sur tout notre planner. On les imprime. Ils sont beaux, ils sont là, au moins je garderai un souvenir de ce petit moment de bonheur. On regarde nos planners avec émerveillement, puis Rheanna se met à parler.

- En fait, on est trop belle là-dessus.

- Je pense que c'est juste ces pestes qui ne savent pas prendre de photos car elles ne savent pas nous rendre heureuses, lâche Zélie.

Mise en ligne : 16/11/19

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NDA : Qu'avez vous pensé de ce chapitre ?

Faites-vous la miracle morning (je ne l'ai pas inventée) ? Si non, aimeriez-vous ?

Que faites-vous pour être productif ?

DÉTOXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant