49: j'ai l'impression de couler

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Avez-vous déjà eu l'impression de couler ? Lorsque j'étais petite et que je n'arrivais pas à nager, il m'arrivait parfois de boire la tasse

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Avez-vous déjà eu l'impression de couler ? Lorsque j'étais petite et que je n'arrivais pas à nager, il m'arrivait parfois de boire la tasse. Puis j'ai grandi. Et c'est une seconde définition du mot couler que j'ai rencontré. C'est lorsque les émotions prennent le dessus, qu'on n'arrive pas à remonter à la surface, et qu'on a l'impression de s'engouffrer de plus en plus profondément. Il est vrai qu'à certain moment, j'ai bien cru que ma peine ne partirait jamais. Et ce n'est pas comme si je n'essayais pas de la faire disparaître. Je me débattais à chaque fois. Que suis-je bête. Plus on se débat, plus on sombre au fond de l'océan.

C'est vrai, je change souvent d'humeur. Et je rêve de calmer tout ça. Mais visiblement, mon nuage noir me suit partout où je vais. Parfois tout va bien, sauf que c'est juste parce qu'il me laisse quelques minutes de répit. J'ai toujours honte de moi après mes crises de nerf. Ces crises incontrôlables où j'ai l'impression de couler. Elles ne s'arrêtent jamais réellement puisqu'elles reviennent toujours à la charge. Comme une seconde vague. Et je me déteste parce que je suis incapable de stopper ça.

J'attends, toute seule, dans le rang. Les animateurs sont en train de nous compter pour notre seconde sortie de prison depuis le début de la colonie. Aujourd'hui, peut-être que je vais couler. Littéralement. Le temps passe et je m'installe dans le car. Toute seule. Personne ne me demande si la place est prise. Personne ne veut parler avec moi. Logique. Alors je regarde par la fenêtre en faisant ce que j'ai toujours fait le mieux : imaginer ma mort.

Ça peut paraître désespéré. Et ça l'est sûrement. Même lorsque je n'ai pas envie de mourir, je m'imagine toujours la réaction des autres si je faisais un malaise juste devant eux. Je suis en bonne santé et j'en suis très chanceuse, mais mes pensées inventent toujours le pire. Là-bas, dans mes songes, les gens qui n'en ont rien à foutre de moi habituellement se réveillent et me montrent qu'ils m'aiment. Ils sont même tristes. Mais c'est toujours lorsque je suis morte, pas avant.

Si vous me dîtes une façon de mourir, j'y ai sûrement déjà pensé. Et à chaque fois, les gens ont des réactions extraordinaires qui me redonnent espoir en l'humanité. Pourtant, lorsque j'ai vraiment failli mourir, tout le monde s'en foutait, sauf mes parents.

Ce jour-là, j'étais montée dans ma chambre avec le cœur brisé de toutes les façons possibles. Je ne voulais plus rien ressentir. Alors je suis allée dans la salle de bain et j'ai bouffé tous ces médicaments. Si j'avais réussi mon suicide, ma mort n'aurait pas été mémorable. Ça, c'est sûr. Sauf qu'à ce moment-là, tout ce qui m'importait, c'était d'arrêter d'avoir mal à longueur de journée.

En résumé, je suis en train de m'imaginer la façon dont je vais mourir aujourd'hui. Pas parce que j'ai réellement envie d'en finir, mais plutôt parce que l'activité kayak est riche en scénarios plausibles. Je pourrais faire exprès de tomber dans l'eau et me noyer. Je pourrais faire renverser le kayak pour rester coincée en dessous. Je pourrais aussi partir loin, m'éloignant du groupe et me laissant mourir dans un coin perdu. Enfin, je pourrais me donner un coup avec la pagaille. Plutôt simple mais ça sort de mon train-train habituel.

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