Chapitre 8

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Simon regarda la capsule s'élever. Il se tenait droit. Une larme coula le long de sa joue. Ses lèvres murmurèrent :
-Va Pierre de Lune.
Et il essuya rageusement cette larme d'un revers de main.

Le noir était complet autour de moi. Soudain des sangles s'activèrent et m'immobilisèrent les bras et les jambes. Je sentais la capsule s'élever. Je ne devais pas paniquer. Je restai concentrée sur ma respiration. Puis il y eut à nouveau de la lumière. Les sangles s'enlevèrent. Le paysage qui apparut devant moi me coupa le souffle. Des immenses immeubles se dressaient tout autour de moi. Ou devrais-je dire des vestiges d'immeubles. Les maisons étaient en ruine, les rues délabrées, les lampadaires au sol. Des plantes poussaient là où elles n'auraient pas dû. C'était une paysage de chaos total. La nature semblait avoir repris ses droits. Je remarquai une boite aux lettres qu'un lierre semblait étouffer. Des arbres poussaient, étendant leur racines jusqu'à la route et déformant le bitume. Mon esprit analysait tout très vite. Je repérai l'endroit où ma fuite serait la plus sûre. Un jardin derrière moi où d'immenses plantes, ronces m'aideraient à me dissimuler. Enfin je portais mon attention sur les neuf autres capsules sorties de terre. Nous formions un cercle. Nous nous dévisageâmes longuement. Plusieurs regards restaient braqués sur moi, je les fixai alors à mon tour les obligeant à détourner le regard.

C'est alors qu'une voix s'éleva dans nos capsules :
« Chers candidats, vous voilà au cœur de la dernière phase des outlast games. Vous êtes à votre point de départ. Voici la carte qui vous indiquera la porte d'arrivée ».
Un tiroir s'ouvrit dans la cabine et présenta la carte. D'autres s'ouvrirent ensuite.
-Voici votre amulette. La croix noire marque l'arrivée. La distance couvre une cinquantaine de kilomètres.
J'observai attentivement la carte, il n'y avait aucune indication de là où nous nous trouvions. Mais ça ne devait pas être loin de la ville. Je n'arrivais pas à situer où se trouvait exactement le point d'arrivée. Il était au nord-ouest. J'avais ma boussole, je saurais me repérer. Ce qui me surprit ce fut la distance à couvrir, seulement 1/5 de celle que nous avions dû parcourir durant la première partie. C'est alors que j'entendis une voix grésillante parler, mais ce n'était pas celle de la cabine. C'était mon oreillette.
-Agent Luna vous me recevez ?
J'imaginais que c'était moi, je répondis :
-Je vous reçois.
-Bien ne parlez pas vous êtes filmée. Dès que la porte s'ouvrira partez vers le sud.
Le sud mais pour quelle raison?! Comme pour me convaincre la voix reprit :
-Ce sont les ordres, exécutez-les.
Je soupirai de nervosité. Les voix ne me semblaient pas humaines, plus robotisées... C'est alors que je compris, ils devaient utiliser un modificateur de voix. Puis le haut-parleur de la capsule reprit :
-Vous avez quatre jours. Le chronomètre se déclenchera à l'ouverture des capsules.
Quatre jours ! C'était largement assez pour parcourir une cinquantaine de kilomètres. Ça ne pouvait pas être si facile.
-A partir de là vous aurez soixante secondes pour quitter la capsule. Après quoi elles exploseront.

J'observai les visages tendus autour de moi. Je bougeai les épaules, le corps en alerte. Le garçon devant moi s'ébroua. Je piétinai prête à bondir.
-Que votre instinct vous guide.
Un bruit d'alarme. Les portes s'ouvrirent. Les candidats bondirent hors de leur capsules, leur arme déjà en main. Je me heurtai violemment à ma porte. Il y avait un problème. Le chronomètre s'enclencha. Je vis des visages se tourner vers ma cabine obstinément fermée et sourire. Ma respiration s'accéléra. Je cédai à la panique. Je tapai de mes poings la porte. Je cherchais en vain une faille. Puis je me rappelai les propos de l'homme rebelle : « Les colonels feront tout pour te désavantager ». Je criai et mes coups sur la porte redoublèrent d'intensité. Les quelques candidats restants se détournèrent et partirent en courant. Les drones les suivirent. Ça ne pouvait pas se finir comme ça. J'entendis alors des voix à mon oreillette :
-Putain de merde il se passe quoi !
Une autre personne répondit :
-Je ne sais pas ce n'était pas prévu !
L'autre voix cria :
-Elle peut pas sortir ! C'était à toi de superviser ça merde Léopold !
Entre l'alarme toujours hurlante et ces voix, mon cerveau allait exploser. J'éteignis l'oreillette. Trente secondes s'étaient déjà écoulées. Je fermai les yeux et j'essayai de me calmer. Réfléchir, il fallait réfléchir. J'ouvrai les yeux sur le système de verrouillage. J'avais lu dans les bouquins que Simon m'avait passée durant l'entraînement comment déverrouiller une porte. Si c'était un verrou simple, la lame d'un couteau devrait suffire. Je pris une dague et la passai dans l'embrasure de la porte. Rien ne se produisit. Je suai à grosses gouttes. Plus que vingt secondes. Bien sûr ce n'était pas manuel mais électronique ! J'observai alors les fils électriques de toutes les couleurs parcourant l'engin. J'entrepris de tous les couper. L'alarme s'arrêta. Il y eu des grésillements. Je me jetai avec rage sur la porte. Elle bougea. Une deuxième fois et elle céda. Je me retrouvai à l'air libre. Je me levai sur mes pieds, et je courus vers le jardin que j'avais repéré au moment où des explosions retentirent derrière moi.

« Les bâtards » pensai-je. Ils avaient voulu m'éliminer. Je rallumai mon oreillette et je déclarai à l'abri des drones :
-Ici agent Luna, je suis en vie.
J'éteignis à nouveau l'oreillette. Je ne souhaitais pas qu'ils me guident. Ici, sur le terrain, je faisais confiance à mon instinct et à personne d'autre. J'étais meilleure qu'aucun autre rebelle car le système m'avait entraînée pour ça. Ils m'avaient appris à survivre, à tuer.

Je sortis la boussole de mon sac, je devais me diriger vers le nord-ouest. J'avais du retard. Il fallait que je les rattrape. J'avais un grand avantage désormais, ils me croyaient sans doute morte. Je me mis à courir à petites foulées, attentive au moindre bruit. Je sortie du jardin, je me sentais à découvert. Je savais parfaitement me déplacer en forêt, au final c'était la même chose en ville sauf le fait qu'on était moins bien camouflé. Là aussi j'étais consciente de mon avantage, de mes capacités à me déplacer sans bruit. Je verrais l'ennemi arriver avant qu'il ne me voit. Je me déplaçait silencieusement rasant les immeubles. Je pensais à Arellys et Antonin, ils étaient aussi bons que moi, ils étaient les seuls capables de me surprendre.

Soudain j'entendis des bruits de pas. Je me figeai. Ils étaient dans une rue parallèle à ma gauche, une cinquantaine de mètres plus loin. Je m'approchai de la façade qui nous séparait. J'entendis des voix, ce n'étaient pas celles d'Arellys ni d'Antonin. Je les dépassai et je les laissai derrière moi. Je n'avais qu'une seule gourde d'eau dans mon sac. Pourquoi si peu ? Je pensai alors aux maisons abandonnées. Peut-être étaient-elles toujours alimentées en eau. Je courus plusieurs heures sous un soleil de plomb. Le seul bruit qui me perturbait était celui des drones volant au-dessus de moi. J'essayai au mieux de les ignorer. Soudain, j'aperçus un immense mur se dresser au loin. Lorsque je me rapprochai, je remarquai les fils barbelés en haut des façades. Une prison. 

Ma Pierre de Lune (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant