La sonnerie de son portable sortit Adam de ses lectures quotidiennes. Il ignora la petite dizaine d'appels manqués de sa mère, se focalisant sur le SMS reçu de Gavin.
FROM : Gavin J.
Son avion décolle à 8H42.
Il eut un léger pincement au cœur. Gavin venait de lui rappeler ce qu'il se donnait tant de mal à oublier. Il était déjà presque 8H30.
A une trentaine de kilomètres de la petite librairie de Bloomsbury, Sixteen se dirigeait vers la porte d'embarquement. Elle marqua un temps d'arrêt sentant son portable vibrer au fond de sa poche.
En voyant le nom d'Adam apparaître sur l'écran, elle laissa sonner de longues minutes qui parurent interminables pour l'éditeur. D'abord hésitante, quelque peu réticente, elle se décida finalement à décrocher prononçant un « Allo » à peine audible dont l'écho résonnait comme une délivrance pour le jeune homme.
- Sixteen, ne pars pas ! Parce que tu ne le veux pas, parce que je ne le veux pas. C'est égoïste dit comme ça, maintenant. Mais dis-moi seulement où tu veux aller et je t'y rejoindrai.
De petites perles d'eau ruisselaient sur les joues de la jeune femme. A cet instant dans leurs esprits résonnaient ces mots de Rûmî : « Quelque part au-delà du bien et du mal il y a un jardin, je t'y rejoindrai. ». Ces mots rappelaient leurs parents l'un à l'autre, ceux qui les avait réunis et qui hantaient maintenant leurs esprits.
Une tonalité froide et stridente marqua la fin de leur conversation. L'un comme l'autre ressentirent une intense frustration. Adam se persuada peu à peu que Sixteen y avait mis fin. Quant à elle, elle se résigna à le rappeler, convaincu qu'il avait fait le choix de raccrocher. Il était à présent 8H30 et Sixteen s'envolerait à 8H42.
Douze minutes qu'Adam éprouva, dévasté à l'idée de savoir qu'il avait échoué. Et pourtant il gardait l'espoir secret que tout pouvait encore changer. En ces douze minutes, elle pouvait se résigner à tout quitter, songer à rester.
Douze minutes. En douze minutes vous pouvez écouter le premier mouvement du concerto pour violon de Mendelssohn, cuire des Gingerbread ou descendre Abbey Road à pied. Ça parait peu mais sept cent vingt secondes c'est une éternité lorsque vous les passer à attendre. Désespérément.
Résonnant dans la ville, l'écho des cloches du Big Ben annonçait déjà neuf heures. Adam comprit à cet instant qu'il était trop tard. Sixteen était définitivement partie. Et chaque sonnerie le lui rappelait dans un vacarme aussi assourdissant qu'insupportable. Il alluma une vieille radio des années 60, espérant couvrir le bruit de ses regrets. A cette heure, la BBC Music enchaînait les titres de rock ayant bercé son adolescence.
Il existe toutes sortes de chanson ; certaines donnent envie de danser, de chanter et d'autres de pleurer. Pleurer, car se rejoue l'instant précis où nous les avons entendues pour la première fois. Pleurer, car nous n'aurons à jamais qu'une perception erronée de cet instant.
C'est incroyable le nombre de chanson que l'on écoute dans une vie. On en fredonne souvent la mélodie, à défaut de pouvoir chanter les paroles, à défaut d'en comprendre le sens. Et un jour, il apparaît comme une évidence.
Dans la chanson Disintegration du groupe Jimmy Eat World, l'auteur parle d'une histoire d'amour quelque peu destructrice. Il dit "Hanging on a cigarette you need me, you burn me, you'll burn me" *. Je n'avais jamais compris le sens de cette phrase jusqu'à ce jour.
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Sixteen ways to Turn
Ficción General"A l'âge de huit ans disparaissait la petite Zoe Baker. Après des mois d'enquête, Scotland Yard se résigna à classer l'affaire." ...