1

1K 54 0
                                    

Le terrain de basket où mes potes et moi jouons depuis que l'on est des mômes est de plus en plus mal en point. Les années ont fait des trous dans le béton, les paniers n'ont plus de filet, même les gradins ont disparus. Mais dans ce bled pommé, il n'y a rien d'autres à faire, alors on continue à venir. C'est toujours mieux que galérer chacun chez soi.
Je suis né ici, j'y ai fait toute ma scolarité, mais ça se termine. Je suis en dernière année de lycée. L'année prochaine je serais à la fac. Je pars enfin de ce trou perdu.

J'ai dix huit ans depuis six mois déjà, je suis le plus vieux de la bande. Quand j'ai annoncé que je voulais aller à la fac mes parents n'ont pas compris, ils pensaient sûrement que je finirais comme mon père, dans la seule usine de la ville, à trimer pour gagner une misère à la fin du mois.
Très peu pour moi. J'ai d'autres ambitions.

Mon père a eu peur du prix de l'université, mais grâce au basket j'ai obtenu une bourse intégrale, même si je ne veux pas en faire mon métier. Moi, je veux faire du droit. Je veux devenir avocat, je ne sais pas encore dans quel domaine, j'ai encore le temps de décider.

Après notre match, je décide de rentrer chez moi, ma grande sœur, qui elle aussi est partie, doit être revenue pour les vacances.
Elle est la fierté des parents. Elle est très intelligente et veut devenir docteur. Pour ça, elle a du partir à New-York.

Une voiture est garée devant chez nous. Plutôt pas mal comme caisse, je suis étonné que ma sœur ait les moyens de se payer un bolide pareil.

Je rentre chez moi, j'entends des voix dans notre salon, je me dirige vers celle ci. Comme je le pensais ma sœur est là. Mes parents l'entourent, ils l'écoutent raconter sa vie dans la grande ville. Son emploi du temps surchargé, mais la joie d'aller en stage pour se confronter à son futur métier, l'aide à tenir le coup.

-Yann, tu es enfin rentré!

Ma sœur se jette dans mes bras, je la serre le plus fort que je le peux, elle m'a tellement manqué. Nous avons cinq ans d'écart, elle a donc été une deuxième maman pour moi. Surtout que la mienne travaillait beaucoup pour que nous ayons une belle vie.

-Comment ça va Judy?
-Je vais bien et toi, prêt pour ta dernière année?
-Plus que prêt même!

J'entends un bruit derrière moi, quand je me retourne, une fille d'âge avec ma soeur, me regarde les joues rouges. Plutôt canon, elle est petite, un peu rond, avec des yeux vert et des cheveux roux.

-Yann, je te présente Callie, ma meilleure amie et colocataire, Callie, mon petit frère Yann.

Elle s'avance vers moi, le bras tendu, mais le visage baissé. Je lui sers la main, elle est un peu moite, je la rends nerveuse?

-Enchantée de te connaître enfin, Judy m'a beaucoup parlé de toi.
-Enchanté aussi.

Nous restons quelques instants à nous regarder, toujours sa main dans la mienne.

-Bien, passons à table.

Je remercie intérieurement ma mère de me faire revenir à la réalité. Je ne sais ce qu'il vient de se passer.
Je reste silencieux durant tout le repas, je préfère laisser Judy faire la conversation, je n'ose même pas regarder Callie,qui ne parle pas non plus. Je ne sais pas si elle est toujours comme ça ou si elle est comme moi surprise par ce qu'il s'est passé entre nous.

Je ne pose pas après le repas, je monte directement dans ma chambre. J'ai besoin de me retrouver seul. Je finis mes devoirs rapidement, puis pars prendre ma douche. Je sors de ma chambre pensant que tout le monde est encore en bas, je n'ai posé qu'une serviette autour de ma taille, mais je ne suis pas le seul à avoir eu l'idée d'une douche.
Callie est, elle aussi, prête à aller dans la salle de bain.

-Pardon, je ne voulais pas te déranger. J'irais après.

Sa voix est un murmure. Mais elle me colle des frissons, seuls dans ce couloir, une drôle d'intimité se crée. Si c'était une autre fille qu'elle, je lui aurait déjà sauté dessus. Mais, bizarrement avec elle, c'est différent.

-Il n'y a pas de souci Callie, tu peux y aller, j'ai le temps.
-Merci...

Elle s'engouffre dans la pièce, sans me regarder. J'entends un soupir de soulagement et la clé tourner.
Cette femme m'intrigue, il faut que j'interroge Judy, pour en savoir plus sur elle.

D'ailleurs en parlant du loup, ma sœur arrive. Elle me regarde en haussant les sourcils, se demandant sûrement ce que je fabrique dans le couloir, en serviette.

-Un souci avec la porte?
-Non, ta copine voulait y aller, je l'ai laissé passer en première.
-Gentleman!
-Elle est pas un peu bizard?

Un voile de tristesse et de colère aussi se dessine dans les yeux de ma soeur. Elle me montre ma chambre de la main, m'invitant à y entrer.

Je ferme la porte derrière nous.

-Callie a vécu une année difficile. Quand je l'ai connu, elle était pleine de vie, pétillante, toujours à plaisanter. Elle n'avait peur de rien, assumait même son corps, malgré les moqueries et les insultes.
-Que s'est-il passé?
-Je n'ai pas le droit de te le raconter, c'est son histoire. Mais je te demande d'être sympa avec elle, le temps des vacances.
-Oui, bien sûr. Si je peux faire quelques choses, n'hésite pas.
-Merci, tu es devenu un homme en quelques mois, dis moi!

Je ne réponds pas, j'entends la porte de la salle de bain s'ouvrir, j'imagine Callie en sortir, est ce qu'elle a juste une serviette autour d'elle?
Il ne faut pas que je pense à ça maintenant, ma sœur est à côté de moi, et ma serviette ne pourra pas cacher l'érection qui commence à venir.
Je hausse les épaules pour toute réponse et file moi aussi prendre une douche. Froide.

"toujours elle"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant