"toujours elle"

8

-Docteur James?

Je relève la tête de mon ordinateur. Après une matinée de consultation, il faut que je fasse le bilan, des radios, des prises de sang et autres examens que j'ai récu.
Une jeune fille que je n'ai jamais vu me regarde les larmes aux yeux.

-Oui, c'est moi, que puis je faire pour vous?
-Je m'appelle Jade. Je suis venue pour l'annonce.
-Oh oui, excusez moi, j'étais plongée dans mes papiers, prenez une chaise, je vous en prie.

Je la regarde se tordre les mains, elle a l'air vraiment très anxieuse. Ce n'est qu'un emploi de baby sitter et seulement après l'école rien de bien extraordinaire.

-Quel âge avez vous Jade?
-Dix sept ans docteur.
-Bien, je suppose donc que vous allez encore à l'école?
-...
-Vous pouvez tout me dire Jade.
-Mes parents m'ont mis à la porte de chez moi, il y a un an. Je suis dans un foyer, mais bientôt ils vont me dire de partir. Il me faut de l'argent pour trouver un petit logement.
-Je vois. Avez vous une expérience?
-Sept frères et soeurs.
-Pas mal, je vais vous donner votre chance. Hope est une petite de fille 5 ans. Elle est très facile comme enfant.
-Merci docteur.
-Callie. Rendez vous à 16h ici même, je te présenterais Hope.

Une chose de réglée , j'espère que mon instinct ne me trompe pas, mais je la sens bien cette jeune fille. Je sais que c'est dur de vivre sans ses parents. Même si les siens ont eu le choix de l'abandonner contrairement aux miens. Je chasse vite ses mauvais souvenirs, et finis mes bilans. Je ne travaille pas cet après midi. Je me garde toujours le vendredi après midi. Ça me permet de faire le ménage et de pouvoir profiter de ma fille tout le week end.

Quand j'ai dû quitter New-York à l'annonce de ma grossesse, je me destinais à devenir chirurgien, mais l'arrivée de Hope a modifié mes choix. Je suis donc médecin généraliste, les horaires sont moins contraignant même si je fais beaucoup d'heures. L'arrivée de mon associée a pu me libérer un après midi par semaine.

Quand je suis arrivée dans ce coin réculé du Texas après avoir finie mes études à Dallas, je ne pensais me sentir chez moi un jour. La transition a été difficile. Partir sans un au revoir, sans une explication. Remonter la pente seule à été compliqué. Heureusement mon frère a été d'une grande aide. Mais je n'avais pas le choix. Comment expliquer mon départ à Judy, mais surtout à Yann.
Même au bout de six ans il me manque. Je n'ai jamais réussi à refaire ma vie. Il était l'homme de ma vie, et il le restera. Je suis donc seule avec ma fille, alors même si mes rêves appartiennent à son père. Mes journées sont consacrées à ma fille et à mes patients. Et malgré ce vide en moi, je suis heureuse.

Arrivée chez moi je fais mes lessives, les poussières, je range les chambres, enfin surtout celle de Hope! Cette enfant est aussi bordélique que je suis ordonné, encore une chose qu'elle doit tenir de son père.
Parce que si je voulais oublier Yann, ça me serait difficile, je vois sa copie conforme tous les jours.

Il est déjà l'heure de rejoindre Jade au cabinet afin d'aller chercher Haley à l'école et de faire les présentations.
Hope m'a fait la demande de ne plus aller à la garderie du soir, elle trouve la journée trop longue, ne pouvant pas me libérer à 16h tous les jours, nous avons donc décidées de prendre une nounou.

La sortie se fait à 16h15. Nous attendons Jade et moi, tout en discutant de tout de rien. Elle me demande ce que ça fait de soigner les gens, comme elle trouve ça courageux de ma part de faire ce métier difficile avec une petite fille à élever. Je trouve que ça été simple au contraire. J'aime ma fille et j'aime la médecine.

-Hope, je te présente Jade. C'est elle qui viendra te chercher à l'école le soir.
-Bonjour Hope, je suis contente de te rencontrer. J'espère que l'on sera amie.
-Bonjour, est ce que tu cries?

Jade et moi rigolons face à l'air sérieux de ma fille, elle mène son propre entretien. Je propose que nous allions manger une glace afin de faire plus amble connaissance.
Hope raconte sa vie, un voile de tristesse dans son regard me brise le cœur quand elle parle de l'absence de son père. Quand elle a été en âge de poser des questions, je n'ai pas menti à ma fille. Elle sait que je suis partie sans dire à son père que j'attendais un bébé, parce qu'il était plus jeune que moi, parce qu'il avait sa vie à faire, parce ce que je voulais qu'il soit heureux, ne pas lui imposer mon choix. Je ne sais pas si j'ai pris la bonne décision, mais elle a été la plus raisonnable à l'époque.
J'avais entendu dire Judy à Yann au téléphone qu'il ne fallait pas qu'il lâche ses études et le basket à cause de moi. Je sentais que Judy m'en voulait de débousoller son frère. J'espère qu'il a pu suivre son rêve. Qu'il est heureux, avec une fille de son âge, qui attends qu'ils soient prêts pour avoir un bébé.
Je sais aussi que ma fille m'en voudra un jour, qu'elle voudra le rencontrer. J'ai mis son nom sur le certificat de naissance, je ne voulais pas qu'il y soit noté "père inconnu". Il n'est pas inconnu, il a même été aimé, il l'est encore. Je peux certifier à ma fille qu'elle a été conçu dans l'amour.

Le week end est calme. Hope n'est pas en forme, après auscultation, je ne trouve rien. Sûrement un peu de fatigue. Un repos de deux jours nous ferons le plus grand bien.
C'est donc en pijama, devant la télé que nous passons les deux jours. J'aime ces moments de calme avec ma fille. Elle me fait des calins, me dit comme elle m'aime et comme elle aime son père, même si elle ne le connaît que par photo.