"toujours elle"

11

Je suis assis sur mon canapé en train de manger un plat chinois quand mon téléphone sonne. Ma soeur, bizarre elle ne m'appelle jamais à cette heure ci. J'espère qu'il n'y a rien de grave.

-Docteur?
-Bonsoir Yann.

Alors là je m'inquiète, je me redresse, pose mon plat sur la table basse et me lève.

-Qu'est ce qu'il se passe?
-Je... Je ne peux pas te le dire par téléphone. Il faut que tu viennes à l'hôpital.
-Les parents?
-Non, non, ni moi, juste viens.
-OK j'arrive.

Je le sentais, je savais que quelque chose se préparait. Mais si ce n'est ni nos parents, ni elle, je ne vois pas ce qui pourrait être grave. Nous n'avons pas vraiment de famille proche, en tout cas pas assez proche pour m'inquiète. Je décide du coup de me pas m'inquiéter, ça ne doit pas être si grave au final.

Le trajet en voiture jusqu'à l'hôpital met quinze minutes de chez moi. A cette heure ci, il y a des places de parking près de l'entrée, je suis à l'accueil 25 minutes après l'appelle de ma soeur.

-Bonsoir, je voudrais voir le docteur Scott, s'il vous plait.
-Le docteur Scott a fini son service.
-Hum, je suis son frère, elle m'a demandé de passer.
-Pardon, je vais la biper.

Je vais m'asseoir dans la salle d'attente, il n'y a pas beaucoup de gens qui circulent dans les couloirs à cette heure. Les derniers visiteurs rejoignent les voitures, le personnel soignant vont se prendre un café pour décompresser d'une dure journée, j'avoue que c'est assez relaxant d'être ici, avec ce silence reposant.

-Yann, tu as fait vite, merci. Allons dans mon bureau nous serons plus tranquille.

Je la suis, je vois bien sûr son visage, qu'elle ne va pas bien. Elle est anxieuse, voir triste. Il y aurait-il un problème avec le bébé.

-Vas tu enfin me dire ce qu'il se passe?!
-Je ne sais pas comment te le dire. Voilà cet après midi, on nous a envoyé une petite fille et sa maman. Cette maman c'est Callie.

Mon cerveau à un beugue. Non, elle n'a pas dit que Callie était ici, dans cet hôpital, à quelques mètres de moi?
Elle continue de me regarder, elle a peur de ma réaction, je ne suis plus un môme de dix huit ans, je peux gérer.

-Callie est ici?
-Oui, avec sa fille.

Callie a une fille, donc elle a eu un homme dans sa vie, quand moi je n'ai pas pu l'effacer de ma mémoire. Pourquoi ma sœur me raconte t-elle ça?

-Et pourquoi me le dire?
-Hope a cinq ans, Yann. Elle est ton portrait craché.

Mes jambes me lâchent, heureusement qu'il y a une chaise derrière moi pour me rattraper.

-Tu veux dire que Callie a une fille qui est aussi la mienne?
-Oui...
-Mais, pourquoi elle ne m'a rien dit?
-Il faudra que tu lui demande toi même, ce n'est pas à moi de te le dire.
-Mais attends si elle est ici, Callie est malade?
-Non, c'est Hope. Elle a une insuffisance rénale.
-Je ne comprends pas Judy!!
-Ses reins ne fonctionnent pas bien, et avec le temps ils ne fonctionneront plus.
-Callie n'est pas compatible, moi non plus j'ai fait le test.
-Compatible pour quoi?
-Pour donner un rein.
-Tu voulais donner un rein à ma fille? Mais tu es enceinte!
-Et Hope est en vie, elle a cinq ans.
-Je vais faire le test.
-Callie ne voulait pas te déranger, j'ai dû forcer. Je sais que tu es en colère après elle. Moi aussi. Mais le temps n'est pas au règlement de compte. Callie va mal, sa fille est gravement malade.
-Notre... C'est notre fille qui est malade. Je voudrais les voir avant de voir si je suis compatible.

Nous marchons côte à côte dans les couloirs de l'hôpital, je ne dis pas un mot, quoi dire de toute façon. Je m'apprête à revoir l'amour de ma vie, qui m'a abandonné, et de voir ma fille de cinq ans, dont je ne connaissais pas l'existence.
Moi qui disait ne pas vouloir d'enfant, je réalise que j'étais papa à dix neuf ans.
Quand Judy ouvre la porte de la chambre, une petite fille brune, magnifique me regarde. Mon cœur rate un battement, je dois me rattraper au mur pour ne pas tomber. Elle me ressemble comme deux gouttes d'eau, mon bébé, ma fille. J'ai un coup de foudre pour la deuxième fois de ma vie, le premier était pour sa mère.

-Mon papa!

Elle me connait, Callie lui a parlait de moi, elle a du lui faire voir des photos.

-Maman!! C'est mon papa, je vais mourir.

À ces mots, Callie se réveille. Elle ne fait pas attention à notre présence et se hâte de rassurer notre fille.

-Non, mon amour bien sûr que non. Tu vas guérir.

Cette voix, sa voix s'insinue dans tout mon corps. Elle n'a pas changée, elle est toujours aussi belle. Même cernée, même avec les yeux rougis et gonflés d'avoir trop pleuré, elle reste la femme la plus belle que j'ai jamais vu.

-Alors pourquoi mon papa est là?

Callie tourne enfin là tête vers moi. Elle a un hoquet de surprise. La main devant la bouche, elle ne peut retenir ses larmes qui se transforment en gros sanglots. Malgré la colère que j'ai pour elle, il n'est toujours aussi difficile de la voir malheureuse. Je la prends dans mes bras. Je lui caresse les cheveux comme j'aimais le faire. Judy m'indique la porte pour que nous sortions et me désigne ma fille qui panique de voir sa mère ainsi. Callie me sers le cou, et continue à pleurer.

-Je suis tellement désolée, je ne savais pas quoi faire. Je suis désolée.
-Calme toi Callie. On reparlera de tout ça plus tard. Il faut aller rassurer notre fille.

À l'évocation d'Hope, elle se redresse. Et court dans la chambre.
Je me rapproche du lit de ma fille, qui ne me quitte pas des yeux.

-Tu vas rester avec moi, papa. Parce que tu nous manques à maman et à moi.

Papa, le plus beau mot du monde.