10. Quiproquo

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Quiproquo, n.m. : Du latin « quid pro quod » signifiant « une chose pour une autre ». Se dit d'un malentendu par laquelle une personne ou une chose est prise pour quelque chose d'autre.

Je suis toujours à la fenêtre. Je ne sais absolument pas combien de minutes viennent de passer. Peut-être même que je suis là depuis des heures. Mais je n'arrive pas à m'enlever cette question de la tête. Est-ce que les prêtres tondent leurs pelouses ? Ça paraît idiot sur le coup. Je pense même que si je posais la question à une personne extérieure sans lui donner de contexte, elle me prendrait pour un fou. En même temps, ce n'est pas commun comme interrogation. Même pour une BD je ne me suis jamais demandé ça.

J'ai donc regardé Jonas tondre la pelouse et dieu que le jardin est immense ! Je l'ai vu aller et venir entre les arbres avec sa tondeuse, épargnant les quelques fleurs et les lavandes. Pendant une seconde j'ai eu envie de le rejoindre. Les odeurs de ce jardin doivent être formidables. J'aurais pu m'en inspirer pour le jardin d'Arthur. Et surtout, j'aurais pu regarder Jonas de plus près au lieu de l'observer de loin et de me triturer la tête avec ma question existentielle.

En fait, j'ai peur. Quand je le regardais, je me suis vraiment rendu compte que ce qui me pose problème avec ma nouvelle découverte c'est que j'ai peur de retrouver l'espoir. Et là, maintenant que je continue à y penser, je me dis que je ne veux vraiment pas avoir d'espoir supplémentaire si c'est pour finalement me rendre compte que si, Jonas est bien prêtre et que j'ai juste encore une fois espéré dans le vent.

— Timothée ?

Je sursaute et lorsque je me rends compte que l'objet de mes pensées n'est plus dans le jardin, j'ai peur de regarder vers la fenêtre. Forcément, je ne mets pas plus de deux secondes avant de me tourner et de le voir. Comme souvent, il a un grand sourire sur les lèvres mais cette fois, il n'y a pas deux couches de vitre entre nous deux et j'aperçois une légère fossette sur une de ses joues. Rien que là, il est encore plus craquant que d'habitude.

— Jo-Jonas !

Et en plus, je bafouille.

Super.

— Enfin on s'entend. Je te l'avais dit ! Bientôt.

— Il s'est passé quand même plusieurs mois.

Comme si c'était encore possible, son sourire s'agrandit. Je dois avoir un peu de bave au coin des lèvres.

— J'avais raison ... Pour ta voix.

Malheureusement, moi aussi j'avais raison. Sa voix est remplie de soleil. Il ne m'a fallu que de quelques mots pour me sentir glisser au fond d'un sentiment que je connais de plus en plus depuis notre rencontre. Je sens des frissons remontant le long de mes bras et une chaleur agréable et pourtant tout autant douloureuse gagner mon cœur.

— Comment vas-tu ? Ça fait longtemps qu'on a pas pu discuter ensemble.

— Bien. Je vais très bien, je lui réponds. Et toi ?

— Vraiment bien maintenant.

Je craque. Totalement.

— Tu tondais la pelouse ?

— Oui. Il était temps qu'on fasse quelque chose pour ce jardin. Puis je suis là un peu pour ça.

Pour ça ? Mais ... Enfin, peut-être que ... Tout se mélange dans mon esprit. Toutes mes craintes, mes suppositions, etc. Est-ce que tout ça c'était vraiment un quiproquo ? Est-ce que j'ai souffert pour rien ?

— Là pour ça ? Je ... ne comprends pas trop.

— J'habite ici à moindre prix. En échange je dois faire des petites tâches comme tondre le gazon ou encore aider en cuisine.

Nom de Dieu ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant