15. Salmigondis

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Salmigondis, n.m. : Ragoût constitué de différentes viandes réchauffées. Au figuré, représente un ramassis d'idées, de paroles ou d'écrits formant un tout disparate et incohérent.


Je retourne l'entièreté de mon atelier. Déjà qu'à la base, je ne suis pas le roi du rangement mais maintenant, la pièce est un vrai capharnaüm. J'ai étalé une tonne de dessins sur les tables, au sol, j'en ai même accroché certains au mur et je continue encore à fouiller dans tous les recoins pour en sortir des nouveaux.

Je ne sais pas comment je vais m'en sortir. Je me retrouve face à un problème de type urgence vitale. Je ne peux même pas me dire que ce n'est pas grave, parce que ce qui arrive EST grave.

Je suis fichu.

Je suis nul.

Je ne sers strictement à rien.

Je ferais mieux de rentrer chez moi et de m'enterrer sous ma couette. Ou mieux, sous mon lit avec ma couette pour tenir compagnie au monstre qui me terrorisait lorsque j'étais gosse même si je pense que je ne le trouverai pas. C'est lui qui doit avoir peur de moi maintenant.

Moi et mon manque flagrant de talent.

Je veux mourir.

— Mazette. Il s'est passé quoi ici ?

La porte claque et je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit. Après tout, il est mon seul visiteur ici, si on ne compte pas mes élèves. Puis je serais sûrement capable de reconnaître sa voix dans une foule de poissonniers.

J'ai beau être stressé et au bout de ma misérable vie, je ne peux pas m'empêcher de lâcher un petit rire. Depuis que Jonas m'a entendu jurer à ma manière, il s'amuse à répéter certaines de mes expressions les plus courantes. Mazette est de loin sa favorite.

Mais très vite, je ne ris plus. Je n'esquisse même pas l'ombre d'un sourire et recommence plutôt à mettre mon atelier encore plus sens dessus dessous.

— Est-ce que tu peux t'arrêter deux secondes pour m'expliquer pourquoi on a l'impression que les russes ont lancé un missile nucléaire droit dans ton atelier ?

— Je peux pas. Impossible. Si je ne continue pas à chercher, je vais devoir aller me jeter d'un pont ce soir en sortant d'ici.

— Pourtant, c'est ce que tu vas faire.

Il me force à m'arrêter en m'attrapant par les épaules et en m'obligeant à m'installer sur le seul siège encore disponible. Il me dit de me calmer et de ne plus bouger dans tous les sens et c'est ce que je fais. Pas parce qu'il me l'a ordonné. Mais parce que j'ai l'impression qu'il n'a jamais été aussi proche de moi. Il m'avait guidé pour m'emmener au saule pleureur, mais là, je ne ferme pas les yeux. Alors forcément, moi, ça me fait quelque chose dans l'intégralité de mon corps. Des fourmis, des papillons ou même des lucioles. J'en sais rien. Je sais juste que je sens mon cœur battre dans tout mon corps et que je ne sais pas si j'aime bien ça ou non.

En plus, il sent bon. Je ne sais pas si c'est son parfum ou son odeur naturelle, mais il dégage de lui une odeur fruitée qui me donnerait presque envie de le croquer. Rectification, je n'ai pas besoin de son odeur pour avoir envie de le croquer. Mais elle ajoute quelque chose à l'équation. Ça le rend encore plus rassurant. J'aurais presque envie de me fondre dans ses bras à l'instant même.

— Alors, tu m'expliques ?

Je me souviens alors de ce que je faisais juste avant et mon esprit recommence à s'embrouiller et à sombrer dans la panique. J'essaye pourtant de lui répondre clairement.

Nom de Dieu ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant