Nom de Dieu ...

13. Dithyrambique

Dithyrambique, adj. : Qui est volontairement excessif ou pompeux dans ses éloges.

Je me rends compte que je vis dans une commune magnifique. J'en étais déjà conscient mais pas autant que je ne le suis désormais. Peut-être que c'est parce que Jonas a insisté pour me faire voir ses coins préférés dans l'espoir que ça m'inspire pour mes dessins. Je sais donc que maintenant chacun de ces endroits me rappelleront Jonas. Le jardin botanique. Le jardin du château. Le jardin des découvertes ... les Presbytères et les églises. Il a d'ailleurs voulu m'expliquer ce qu'est un presbytère. Je n'ai même pas osé lui dire que je savais ce que c'était.

Il a encore un endroit à me montrer il paraît. Il n'a pas voulu m'avouer lequel. Alors j'ai pris mon mal en patience. Jusqu'à aujourd'hui. Parce qu'il m'a promis de me le dévoiler aujourd'hui avant qu'on mange ensemble comme cela devient de plus en plus fréquent.

Je ne sais vraiment pas où il compte m'emmener. J'ai essayé d'étudier une carte de la commune pour voir s'il n'y avait pas des endroits qui titillaient mon intérêt. Mais rien. Et il n'a voulu me donner aucun indice. Il m'a juste conseillé de prendre de quoi dessiner pour immortaliser ce que je verrai parce que c'est quelque chose d'éphémère. Alors j'ai préparé mon bloc à dessin ainsi que crayons, fusains, stylos, feutres et encore pleins de trucs. Je ne sais pas ce qu'il va me montrer alors si je veux dessiner, il me faut tout mon matériel. Il ne manquerait plus que l'endroit en question m'inspire une aquarelle et que je n'ai que des crayons à papier. Il n'y a clairement rien de mieux pour me frustrer. Si en plus c'est quelque chose qui est destinée à disparaître, il vaut mieux que je sois paré.

Ce matin, je n'ai pas cours. Je suis donc là, à mon poste d'observation à attendre que Jonas vienne me chercher. Il n'a que deux heures de cours ce matin puis reprend en milieu d'après-midi. Je sais du coup qu'en rentrant il va passer rapidement dans sa chambre pour poser ses affaires et venir à l'atelier. Je reste là pour le voir revenir. J'aime bien parfois continuer à l'observer de cette manière. Surtout quand il travaille.

Quand il est à son bureau, seul, les traits de son visage sont différents. Il ne sourit pas. Ses sourcils sont le plus souvent froncés au fur et à mesure qu'il révise ses notes. Il a un air grave sur le visage et je sens à chaque fois qu'il joue vraiment son avenir sur ces soirées. Peut-être même qu'il joue sa vie. Il a l'air tellement investi dans ses études, dans le métier qu'il veut faire, dans la cause qu'il veut défendre. C'en est même touchant.

Et là, enfin je le vois. Il entre rapidement dans sa chambre et jette son sac sur son bureau avant de se précipiter en bas. Il est rapide. J'attrape mes affaires et me mets moi aussi à courir dans les escaliers en espérant réussir à atteindre la porte de l'atelier avant lui. Heureusement pour moi, je n'ai que l'escalier à descendre. Lui, il doit encore faire le tour avant d'atteindre la porte arrière qu'il a pris l'habitude de prendre pour venir me voir.

Je la laisse déverrouillée en journée pour lui, pour qu'il puisse venir à n'importe quel moment, dès qu'il est libre. Je le lui ai même dit, avec beaucoup de craintes, mais je le lui ai quand même dit. Et depuis, il ne passe plus que par là à n'importe quel moment de la journée. S'il arrive à l'ouvrir, c'est que je ne suis ni en plein cours, ni chez moi.

Et là, la porte est ouverte.

Il arrive en même temps que moi. Je ne sais pas comment il a fait pour arriver aussi rapidement mais lorsque j'ouvre la porte, il est là, juste devant moi, essoufflé par sa course et encore plus beau dans l'effort. Je ne peux pas m'empêcher de lâcher un sourire et heureusement pour moi, il pense que c'est parce que je ne suis pas arrivé le premier. J'ouvre la bouche pour lui dire bonjour mais il ne m'en laisse pas le temps. Il attrape ma main et me tire derrière lui.