[137 jours avant la fin]Salut journal. Ça fait une semaine que je ne t'ai pas écrit. Je sais que j'avais prévu de t'écrire plus tôt, mais je n'ai pas réussi.
Tu sais, ici, c'est toujours la même chose. Pour éviter de me répéter j'ai décidé de ne pas écrire tous les jours. Mais bon, fallait quand même que je te parle de quelques petits trucs et je pense que le moment est venu de le faire.
J'ai eu rendez-vous avec Madame Crystaux (ma psy) aujourd'hui et ça m'a un peu secouée. J'ai dû lui parler du "saut dans le vide" et c'était tellement compliqué pour moi de mettre des mots là-dessus.
Ça ne fait qu'un mois et 7 jours que je suis ici mais Mme Crystaux était déjà ma psy 11 mois avant mon arrivée ici. Elle a contribué à mon entrée dans cette hôpital d'ailleurs. Mais je crois que je ne lui en veut pas, elle a voulu éviter d'avoir des problèmes. C'est parfaitement humain j'imagine.
Je crois que je suis prête à tout te raconter journal.
Tout a commencé il y a deux mois. Je n'allais pas bien (ce n'est pas une surprise j'imagine) et j'avais décidé de mettre fin à ma douleur.
Je ne te parle pas ici que de m'enlever la vie, non, c'était bien plus complexe que ça. Et c'était long, très long. Mais tu sais, je crois que je suis morte bien avant d'avoir pris cette décision. Pour moi, c'était comme une sortie de secours, une évidence.
J'avais rendez-vous avec ma psy ce jour-là mais je ne voulais surtout pas lui en parler. Je savais très bien ce que je risquais et honnêtement, ce n'est pas ce que je voulais.
On a commencé par parler de ma journée, puis des médicaments, de mon médecin, de ma psychiatre, etc, tu connais la chanson... jusqu'à ce qu'elle me demande ce que j'avais l'intention de faire une fois sortie de son cabinet. J'avoue qu'à ce moment-là, je ne savais absolument pas quoi faire. J'étais complètement perdue.
Alors j'ai tout déballé. C'était un torrent de mots et de larmes. Je ne pouvais plus m'arrêter. Je lui ai expliqué tout mon projet. Depuis la prise de médicaments jusqu'au saut du haut du pont principal de Downtown, ma ville natale. Je lui ai dit que j'avais prévu de me scarifier, de m'arracher les veines et de partir. Partir le plus loin possible d'ici car j'avais tellement mal putain... Je n'avais plus de forces.
Alors, elle a eu un réflexe qui m'a beaucoup touché, elle est venue auprès de moi, m'a pris les mains, m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit "Je ne te laisserai jamais partir, tu m'entends?" et elle m'a enlacé. Je venais d'éviter la mort mais j'avais comme la sensation d'avoir fait le grand saut dans le vide quand même. Rien que part le fait de lui avoir parlé.
Après ça tout s'est enchaîné très très rapidement. Elle a appelé ma psychiatre et mon médecin ainsi que mes parents. Quelques heures plus tard, je rentrais dans l'hôpital psychiatrique de Downtown, ici-même.
Je ne peux pas m'empêcher de pleurer quand je pense à ce moment. Tu sais journal, je n'ai pas choisi d'être ici ni d'avoir mal...
La vie est une pute.
Donc bon, je n'ai pas grand chose à t'apprendre, une routine s'est installée ici. Je crois, d'ailleurs, que j'ai rendez-vous avec les médecins plus tard dans la journée, en fait je n'en ai aucune idée.
Crytaux est partie, elle a fini son service. Elle reviendra peut-être en fin de semaine. Si je suis toujours là, ce que je n'espère pas, je la reverrai.
En fait journal, j'allais oublier... Je voulais te parler d'autre chose, de beaucoup d'autres choses en fait. Je ne sais même pas par quoi commencer...
J'en ai marre d'être ici en fait, je suis fatiguée. Mais j'ai peur de rentrer, peur de devoir réapprendre à vivre. Peur du regard des gens. Peur de retrouver ma routine d'avant. Peur de rechuter. Peur de vivre...
J'ai pris l'habitude de survivre depuis tellement longtemps maintenant que vivre me fait peur. J'en reviens au « saut dans le vide » dont je te parlais juste avant. C'est la même sensation. Un saut dans l'inconnu, hors de ma zone de confort. J'ai si peur journal...
Et si je n'y arrivais pas? Et si j'échouais? Et si je décevais? Et si...? Et si...? Et si seulement tout s'arrêtait...
J'aurais aimé ne jamais être née, ne jamais avoir grandi, ne jamais avoir vécu et ne jamais avoir souffert. J'aurais aimé ne jamais avoir parlé de mes peines à quiconque, ne jamais les avoir vécu tout court, ne jamais avoir mis les pieds ici, ne jamais avoir vécu ce que je vis. Tant de choses que j'aurais aimé ne jamais avoir expérimenté... Mais aujourd'hui, et contre mon gré, je suis là.
Je suis là pour rester.
Être ici m'a beaucoup appris tu sais, même si je ne le montre pas. J'ai envie d'aller mieux, d'être la fierté de quelqu'un pour une fois. J'ai envie qu'on se dise « Putain, c'était pas gagné mais elle l'a fait. ». Il ne me reste plus qu'à essayer...
Un jour je prendrai le temps de te décrire ma chambre et ma « colocataire ». Je te décrirai les lieux plus précisément et ce qu'on y fait. Un jour j'essayerai de mieux m'exprimer et même de te parler de mes progrès. Un jour, peut-être, je m'en sortirai.
[14h54]
Il est temps pour moi de me préparer. On m'a confirmé que j'avais un rendez-vous tout à l'heure. Je n'ai pas le choix...
Je te reprendrai plus tard, promis journal, je ne t'abandonnerai pas.Merci pour tout en tout cas, tu m'aides beaucoup tu sais ?
A plus.
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Seule(ment).
Teen Fiction« Moi c'est Lucy et j'ai 17ans. C'est peut-être un peu bizarre de commencer à écrire dans un journal intime à 17 ans, tu ne crois pas? Mais peu importe. S'il faut en finir autant l'écrire. » Merci à tous ceux qui ont été là pour moi durant cette pér...