Fatiguée

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[48 jours avant la fin]

Salut journal. 

Aujourd'hui, c'est une journée assez lourde pour moi: je suis fatiguée d'être ici. Sans rire, j'en ai ras le cul d'être loin de chez moi, je vais bien bordel.

Si je suis arrivée ici, c'était surtout parce que je n'arrivais pas à communiquer avec mes proches, tu sais, le "saut dans le vide". Je me sentais seule. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas, ma famille m'a montrée plus que jamais à quel point elle m'aimait et je veux rentrer...

Ça fait trop longtemps que je suis ici et je suis épuisée, j'étouffe. Mes parents me manquent tellement...

Pour que tu comprennes ce qui m'a réellement amené ici, je vais te raconter mon histoire journal: tout de A à Z.

Je suis prête à en parler, ça ne me fait plus rien, c'est du passé.

Pour commencer, il faut savoir que j'ai grandi à Downtown, c'est ma ville natale. Mais ça, tu le savais déjà. Donc, j'ai fait toute ma scolarité à Dobly school jusqu'à ce que j'aille au lycée de HBC high School, il y a deux ans et des poussières. Donc j'ai vu et revu les mêmes têtes quasi toute ma vie. Et au départ, tout se passait plutôt bien...

C'est en 3ème que ça s'est compliqué. J'avais des notes vraiment inférieures à la moyenne et les autres ne manquaient pas de me le rappeler, même les profs s'y collaient. Faut dire qu'ils adoraient me descendre. J'étais "la nulle", "l'imbécile" et même "l'handicapée". Ce qu'on peut être méchant quand on est enfant, c'est hallucinant. Donc bref, toutes les années qui ont suivies ont été horribles: je voulais mourir.

Tu sais journal, avec le temps, j'avais finis par les croire ces gosses que je continuais d'appeler mes amis. J'étais bien seule pourtant et je me trouvais bête. C'est là que j'ai commencé à me détester. C'est de leur faute, pas la mienne. Je n'ai pas choisi qu'on me haïsse à ce point, ni qu'on me harcèle toute ma vie. Et tout ça, ça a duré 9 ans. 9 ans terrifiants. 9 ans morbides. 9 ans horribles. Ça, ce n'était que le début de l'histoire, accroche-toi bien journal, j'ai bien des choses à te raconter.

Quand tout ça s'est terminé, à mon entrée au lycée, j'étais devenue une autre. J'était différente, trop peut-être, mais j'avais mal, tu sais, on avait brisé un truc en moi. J'étais différente et je le savais. Alors, je m'isolais beaucoup, j'avais peur qu'on me fasse du mal de nouveau, mais je m'étais trompée. Les gens étaient différents eux-aussi: ils avaient grandis. Puis, j'ai rencontré Ash' et Jenny et tout allait mieux (mais ça n'a pas duré, évidemment...).

Au bout d'un mois seulement, mes notes avaient rechutées et je ne pouvais pas expliquer pourquoi. Pourquoi j'aimais tant étudier mais sans y arriver? Alors, tout s'est effondré. J'avais perdu espoir de réussir ma vie. C'est allé loin quand même hein? 

Je me sentais seule et je ne voyais aucune issue à tout ça. J'étais fichue. Et puis, j'avais peur de décevoir mes parents, qu'ils se disent que leur fille étaient un échec, alors, j'ai commencé à fuguer. Je partais parfois durant des heures, tout ça, pour ne pas croiser leurs regards. Je sais qu'ils s'inquiétaient pour moi, qu'ils étaient terrifiés à l'idée de me perdre, mais je préférais leur crier dessus et déclencher des guerres plutôt que de me mettre à leur place, ne serait-ce qu'une minute.

En fait, j'allais tellement mal, que je les haïssais de ne rien faire pour moi. Je déversais ma haine sur eux, les pauvres. 

Un jour, j'avais fugué par ma fenêtre (j'habite au 7ème étage). Et je suis descendue fenêtre par fenêtre. Personne ne m'a choppé mais ma mère, elle, avait appelé la police. Je m'en rappelle comme si c'était hier. J'étais assise sur un banc au parc de Downtown. C'est un vieux parc abandonné pas loin de chez moi. Et les flics ont débarqués de nulle part. Ils m'ont attrapés Le bras d'un mouvement vif, tous les deux, puis ils m'ont dit en coeur: "On y va à la manière forte ou tu collabore?". On aurait dit qu'ils répétaient cette phrase tous les jours. Ils formaient un bon duo quand même. Du coup, j'ai répondu que j'allais coopérer: je savais ce que je risquais hein. Ils m'ont ramené illico-presto. Deux minutes après seulement, j'étais de nouveau chez moi. Ma mère était en pleurs et mon père super déçu. Je me rappelle du regard qu'il a posé sur moi à ce moment-là. J'étais si triste de lui voir fait du mal...

Quelques jours plus tard, ma décision était prise, tu t'en souviens? "Le saut dans le vide".

J'étais devenue un zombie. J'avais mal.

Tu te dis sûrement que j'ai été bête, que je n'avais aucune raison d'aller mal. D'ailleurs, la tristesse ce n'est que des larmes, pas vrai?

Ben tu te trompes.

J'avais vraiment, vraiment, vraiment mal. 

C'était une envie de vomir constante et un mal de tête horrible. C'était un torrent de larmes qui m'arrachait le coeur et un sourire forcé perturbateur. Non, vraiment journal, je te jure je sombrais. Il fallait que j'en finisse avec tout ça, c'était ancré dans ma tête. Ce que je ne savais pas, c'est que j'avais tort et que vivre c'est magnifiquement beau. Je l'ai appris ici, tout comme le fait que je ne suis pas seule et que ceux que j'aime, m'aiment eux-aussi beaucoup en retour. 

Donc ouais, peut-être que j'ai vécu des crasses dans ma vie, peut-être que j'allais mal. Peut-être que je suis fatiguée d'être là. Mais je ne remercierai jamais assez Crystaux qui, en me sauvant la vie, m'a réappris à vivre. Elle me manque en vrai, Crystaux. Je l'aimais bien cette thérapeute, bien plus que les infirmiers d'ici. A part Tyler, ils sont à peu près tous chiants mais bon... Ils m'ont réappris à vivre et à aimer, eux-aussi. Je ne peux pas leur en vouloir.

[Tard le soir]

Bon journal, je dois aller me coucher, il se fait tard. Je suis fatiguée. 

A bientôt journal, je t'écrirai dès que je pourrai, promis. Bisous.

Seule(ment).Où les histoires vivent. Découvrez maintenant