La routine

31 2 0
                                    

[plusieurs jours plus tard]

Salut journal, ça fait un moment que je ne t'ai pas écrit. Tu commençais à me manquer hahah.

Je voulais t'écrire pour te raconter comment vont les choses ici, depuis que J. est parti.

Ça me fait un peu mal d'en parler déjà mais le temps passe vite et j'ai peur d'oublier. Ça fait un moment déjà qu'il est parti. Son départ s'est fait il y a une semaine et qu'est-ce que c'est long sans lui. C'est presque insupportable. Les choses changent tout le temps et j'en suis consciente mais ça fait bobo.

Heureusement, Samsam' est toujours là pour moi. Même si elle s'en va bientôt elle-aussi...

Mais bon, je me dois de profiter de chaque instant de rigolade, pour l'instant.

Sinon, Adelia est adorable avec moi, tous les jours, elle se pose vers moi et me raconte des anecdotes sur Tyler. Ça me fait beaucoup rire et ça m'aide à oublier. 

Hier, par exemple, elle m'a raconté qu'en voulant sortir Barx, Tyler s'est encoublé dans la laisse et est tombé, la tête la première, sur le sol. Décidément, il n'a vraiment pas de chance avec son chien hahah. Il ne s'est pas fait mal, heureusement, et il se tordait de rire en racontant ça à Adelia apparemment. Ça m'a fait sourire de m'imaginer sa chute mais rien qui ne puisse combler le vide que J. a laissé en moi, en partant.

Et je sais qu'elle l'a remarqué car elle s'est levé à ce moment-là et m'a emmené vers "l'aquarium". Là-bas, elle m'a demandé comment je tenais le coup. Evidemment, elle connait toute l'histoire de A à Z. Je lui ai répondu que ça allait et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Mais, elle savait que je mentais et elle m'a accompagné jusqu'à ma chambre en me tendant mon casque et mon MP3 qu'elle avait soigneusement ramassé dans le bureau: l'aquarium. Je lui ai souri (oui, je ne fais que ça, désolé journal) et je me suis enfermée dans ma bulle musicale, tout en la regardant s'en aller et refermer la porte derrière elle.

Je suis restée allongée deux longues heures à contempler le plafond, mon casque sur les oreilles. Je serais restée plus longtemps mais mon MP3 s'est brusquement éteint tout en éclatant ma bulle d'un coup, il n'avait simplement plus de batterie. J'ai donc pris l'initiative de me lever et d'aller l'apporter à Adelia pour qu'elle le mette à charger. Elle l'a gentiment fait mais son regard ne trompe jamais. D'un moment à un autre, elle allait reposer le sujet sensible sur la table, histoire de voir si j'allais mieux. Mais avant qu'un mot n'ait pu être prononcé, j'ai foncé dans ma chambre et je me suis affalée sur mon lit. je savais qu'elle ne me poserait aucune question en présence de Samsam' et qu'elle n'allait pas la faire sortir de sa chambre juste pour ça non plus. Donc bon voilà, j'étais "en sécurité". Je n'avais de toute façon pas la force de répondre à quoique ce soit.

Alors on a commencé à parler, elle me comprends, c'est assez étonnant. Un regard suffit. On a parlé de J., de nous et de l'hôpital psy en général.

On a les mêmes avis sur à peu près tout et on aime trop débattre sur tout et n'importe quoi, elle est ouverte d'esprit. C'est quelque chose que j'apprécie beaucoup chez elle.

Et voilà quoi, elle m'a rassuré et du coup aujourd'hui j'ai plus de facilités à accepter l'absence de J.. 

J'ai la boule au ventre rien qu'en pendant au fait qu'il n'est plus là. Il me manque. Beaucoup trop. J'ai l'impression de couler dans des sables mouvants. Je ne peux pas remonter, je n'en ai pas les moyens. Et je n'ai plus la force de les chercher, les moyens, pas même d'essayer de le faire. Mais enfin bon, je ne me plaindrai pas plus longtemps journal, promis. Je m'en sortirai, comme tout le monde, pas le choix.

Sinon, je voulais aussi te parler de la musicothérapie, j'ai pu y aller aujourd'hui, pour la première fois depuis mon arrivée dans cette unité. Le prof n'était donc pas le même, pas même la salle dans laquelle le cours s'est déroulé. 

C'était hyper bizarre, j'ai trouvé ça inutile. Je vais essayer de t'expliquer comment ça s'est passé.

En gros, arrivés dans la salle, on a tous dû choisir où s'installer et une fois tous assis, on s'est tous regardés jusqu'à ce que le prof décide de parler. Il a tout de suite pris un ton assez improbable, un ton strict mais sans aucune autorité. Donc très vite, il nous a expliqué ce qu'on allait faire: un exercice d'écoute nous attendait.

Pour résumer, on devait tous choisir une chanson et la faire écouter au groupe, rien de très enrichissant, je dirais. Quand les morceaux se terminaient et on devait donner nos avis sur les chansons que l'on venait d'écouter. J'ai trouvé que ça n'apportait rien, au niveau de la thérapie. 

On a passé environ 45 minutes, rien que pour faire ça. Ça ne m'a rien apporté. J'aurais préféré avoir pris mon MP3 en paix dans ma chambre à écouter ma musique seule et sans me faire juger sur mes goûts musicaux.

Enfin bon, ça a fait passer le temps, c'est ce qui compte.

Je crois t'avoir à peu près tout dit. 

Adelia va sûrement arriver d'une minute à l'autre pour me donner mon médicament du soir, pour dormir, et pour voir si je vais bien. Du coup, je ne sais pas trop quoi ajouter avant qu'elle n'arrive. Je t'ai résumé la grosse partie de ma journée. Et je me dois de te garder secret, je n'ai pas envie que l'on tombe sur toi ici.

Et ma vie, tu sais, n'a rien de fascinant. Je suis tombée dans une routine incontrôlable. Le genre de truc qui te colle à la peau durant des siècles à t'en donner la gerbe. Le genre de truc que tu ne peux pas modifier, une fois arrivée, une routine ne s'en va jamais.

Je ne vois pas le bout du tunnel, à quoi ça ressemble, au juste? J'en ai perdu la perception, à force. Mais bon, peu importe hein? A quoi bon y penser? J'aimerais partir d'ici au plus vite.

[plus tard le soir]

Re journal, je t'écris juste pour te dire bonne nuit. Avant, je suis partie en vitesse et je ne voulait pas te laisser sur ces mots.

Adelia est venue tout à l'heure, elle m'a fait un câlin, elle savait que j'en avais besoin. C'est sûr, en sortant d'ici, je les reverrai, Tyler et elle. Je les aime trop, ils ont beaucoup fait pour moi.

[l'heure de se coucher]

Il se fait tard journal, je vais devoir te laisser. A dem', fais de beaux rêves.

Seule(ment).Où les histoires vivent. Découvrez maintenant