Chapitre 1

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Je marchais d'un pas dynamique dans les couloirs, le visage fermé et mon petit sac ballotant sur ma hanche. Chaque pas que j'effectuais résonnait comme si le lycée était subitement devenu une grotte. En fait, c'était simplement la pause de 10 heures.

Je n'avais pas envie de rejoindre mes camarades, si nombreux fussent-ils, c'est pourquoi je prenais une toute autre direction. Je descendis une volée de marches en réajustant mon sac sur mes épaules et tournais à l'angle du couloir. J'arrivais devant la porte où était placardé « Secrétariat » en lettres capitales.

D'une main assurée je toquais trois coups sur le panneau de bois et m'engouffrais dans l'embrasure sans attendre de réponse. Je me dirigeais vers le bureau au fond du couloir à droite. J'étais venue tellement de fois ici que mes pieds me portaient tous seuls vers mon objectif.

J'inspirai longuement en me repassant la phrase que je comptais dire. Je demandai l'autorisation d'entrer par trois coups frappés sur la porte. On me répondit immédiatement. J'appuyai donc ma main sur la poignée et entrai en prenant bien soin de refermer le battant derrière moi.

Quand je me retournais, la vision familière qui s'offrit à moi ne put que me faire sourire. Les trois fenêtres qui s'ouvraient sur la ville en contrebas, la bibliothèque remplie de classeurs et de livres divers et enfin l'armoire qui contenait chacun des dossiers de chacun des élèves. Le bureau de chêne qui coupait la pièce en deux était parfaitement ordonné. Chaque pile, chaque stylo, chaque gomme était parfaitement aligné, parfaitement à sa place.

Le responsable de cet ordre méthodique, et maître des lieux de surcroît, était un homme d'une cinquantaine d'années environ. Il portait un costume trois pièces bleu marine avec une cravate crème et son visage rieur laissait penser qu'il était doux comme un agneau. Mais je le savais, ce regard avenant n'était qu'un trait de caractère que cet homme s'empressait de ranger dans un tiroir dès qu'il devait se montrer autoritaire. Et cela arrivait très souvent étant donné que ce monsieur qu'on aurait pu appeler Père Noël était le proviseur adjoint de mon lycée.

Et j'étais dans son bureau pour une très bonne raison.

- Bonjour Monsieur. Comment allez-vous ?

Je le côtoyais si régulièrement que j'échangeais des banalités avec lui.

- Je vais très bien et toi ma chère Lucille, quel bon vent t'amène ?

- Je viens rapporter un délit.

Le proviseur adjoint me lança un regard circonspect. En effet, d'ordinaire je ne venais pas pour des infractions du domaine pénal, seulement des broutilles de lycéens irresponsables qui transgressaient le règlement intérieur comme ils changeaient de chaussettes. Il prit cependant une feuille blanche et un stylo pour prendre en note ce que je dirais.

- Alexandre Delaplace. Première Générale 1.

Les yeux de l'homme devinrent ronds comme des soucoupes.

- Qu'a-t-il donc fait notre cher Alexandre ?

Il tenta vainement de sourire pour garder sa contenance.

- Votre cher Alexandre, comme vous dîtes, n'est pas aussi gentil que vous semblez le croire.

- Comment ça ?

- Je vous ai parlé de délit tout à l'heure mais il s'agit en réalité d'un crime.

Le proviseur me regardait de plus en plus effaré au fur-et-à-mesure des mots prononcés.

- Alexandre Delaplace s'est rendu coupable de viol.

- Quoi ?! Comment ?! Qui ?! Je...

Je tournai les talons et ouvrai la porte.

- Au revoir Monsieur.

Je sortis dans le couloir et marchai le plus vite possible vers la porte de sortie. Je la fermais derrière moi et m'arrêtais dans l'espace d'attente. Je soufflais un bon coup et desserrais les poings. Je l'avais fait. Je l'avais dit. J'avais réussi.

Quand je relevais la tête des marque laissées par les ongles dans mes paumes, je tombais nez à nez avec une fille magnifique.

Elle me toisa du regard avant de me pousser avec son épaule pour entrer dans le secrétariat. Elle referma ensuite la porte et je restais plantée dans le silence du bâtiment administratif.

Que venait-il de se passer ?

***

Je tapais mon code sur le clavier du lecteur biométrique qui permettait d'obtenir notre pitance quotidienne afin d'éviter de mourir d'inanition. Je plaçais ma main sur la marque et entendis un bip me signalant la permission de prendre mon plateau.

J'y déposais de la nourriture sans vraiment faire attention à ce que je prenais. J'allais m'asseoir à une table et jetais un regard circulaire autour de moi. Les gens rigolaient tous en faisant des crétineries. Certains se balançaient de la nourriture, d'autres se volaient mutuellement leurs desserts et d'autres encore restaient simplement sur leurs téléphones sans aucun regard pour le monde extérieur.

Pour ma part, je me contentais de jeter un regard noir à tous ceux qui faisaient mine de s'installer à mes côtés, même alors qu'il ne restait plus aucune place de libre. Quiconque osait franchir le cercle invisible que j'avais tracé autour de moi se retrouverait à demi étranglé. Je prenais des cours de self défense depuis trois ans et j'étais très douée.

Une fois mon repas ingurgité, je m'empressais de sortir de la cantine.

***

Ce n'est que cinq jours plus tard que je constatais les conséquences de mon aveu. Alexandre avait été convoqué chez le proviseur.

Quand on me l'avait annoncé j'avais ris jaune. Alexandre, chez le proviseur ? Bah voyons. Mais il se pouvait que j'ai été mauvaise langue, car mon camarade était revenu livide et m'avait lancé un regard apeuré. Moi, je n'avais pas peur. J'avais fait ce qui était juste en dépit de toutes les promesses que j'avais brisées pour en arriver là.

Mais quelque chose me disait, tout au fond de moi, que je n'en avais pas fini avec Alexandre. Je le savais bien, il ne laisserait pas tomber. Je le connaissais comme mon frère, je l'avais longtemps considéré comme tel. Nous avions passé toute notre enfance à nous amuser ensemble, embêtant nos grands frères qui étaient amis. Il avait été mon premier et mon seul véritable ami.

Mais cela avait bien changé.

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Bonjour à tous !
Comment allez-vous ?
Voici donc cette nouvelle histoire. N'hésitez pas a me donner vos avis (≧▽≦)

Concernant le rythme de publication, il dépendra des périodes d'écriture et de lecture du concours. Vous aurez donc deux chapitres en tout cette semaine.

Bonne fin de journée 🧡

Les Pleurs Du Mal Où les histoires vivent. Découvrez maintenant