Chapitre 9

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La bulle de résignation explosa dans ma tête. Elle laissa place à la surprise. Mes larmes arrêtèrent de couler.

Je devais avoir une tête hilarante avec mes yeux écarquillés et rougis, mes joues humides et les hématomes dûs à mon échange plutôt violent avec Alexandre. Je fixais Malia, ébahie. Comment ?

Son sourire s'agrandit quand elle vit mon étonnement. Et elle esquissa un mouvement que je ne pus pas identifier tant j'étais interloquée. Mon cerveau était en pleine réinitialisation. Je ne m'attendais pas à concevoir que Malia ait sourit. Qu'elle souriait. Qu'elle me souriait. Je nageais dans l'incompréhension. J'avais été horrible avec elle et au moment propice à sa vengeance, elle me souriait ?

Je ne comprenais pas, je ne comprenais vraiment pas.

Je sentis alors quelque chose toucher ma main droite qui pensait mollement le long de mon corps. Je baissais rapidement les yeux et vis que c'était celle Malia qui attrapait la mienne.  Je relevais les yeux, complètement perdue. Elle me sourit encore. Un sourire d'encouragement qui réchauffa mon coeur.

Elle serra brièvement ma main et s'éloigna sans un mot.

Que venait-il de se passer ?

***

Un insecte. Il se faufilait dans mes entrailles. Je me sentais pareille à Neo dans Matrix quand les agents lui innoculaient un traceur. Un corps étranger qui se dissimulait à l'intérieur de toi, que tu oubliais puis qui reparaissait parfois, et qui te faisait mal, très mal.

Cet insecte, c'était la culpabilité. Comme une petite voix diabolique qui venait susurrer à mon oreille que c'était de ma faute. Que je ne méritais pas de vivre. Que j'étais un monstre. Quelque chose qui faisait tourner l'intégralité de votre corps dans une tornade noire de pensées macabres, de violence et de colère qui créaient une vague dévastatrice sur le peu de bonne humeur et d'espoir que Malia m'avait redonné.

J'étais en proie à mes tourments plus fort que jamais aujourd'hui. Aujourd'hui, 18 janvier. Lendemain de mon altercation avec Alexandre.

Un jour anodin, au début d'une nouvelle année, sans évènement notable.

Pourtant chaque 18 janvier depuis trois ans, j'exécutais le même rituel. S'il y avait cours je n'y allais pas. Mes parents savaient pourquoi et ils le respectaient.

Je préparai d'abord un sac à dos avec de l'eau, un feutre indélébile, un Mars et un Snickers, une pomme et une poire. Je partis ensuite de la maison à pied, tenue de sport enfilée, cheveux relevés en queue de cheval. Je commençai à courir en suivant toujours le même chemin, vers le centre-ville où j'achetai une rose et une tulipe orange.

Je remontais vers chez moi, je passais devant chez Alexandre, puis devant le lycée, et enfin j'arrivais à LA forêt. Je me mis alors à marcher, quelque peu essoufflée par ma longue course de la matinée. J'avançais le long de se sentier que je connaissais comme ma poche, je respirais les odeurs d'humidité de la forêt, j'écoutais le silence, j'admirais les arbres caduques dépourvus de feuilles, comme ces grands squelettes que les poètes décrivaient dans leurs textes. L'atmosphère était morne, comme si les arbres s'étaient figés dans un espace temps gris, sans vie.

Ce n'était même pas la mort que l'on sentait ici, simplement le vide, l'arrêt.

Je n'étais pas vraiment adepte de l'hiver, la morosité ambiante et les souvenirs qui y étaient liés me déprimant toujours profondément.

Je posai mon sac sur la souche qui trônait dans un coin de la clairière. À l'autre bout, il y avait une large pierre ronde et plate que j'avais ramassée dans une rivière lors de vacances à la montagne il y a quatre ans. Que nous avions ramassée.

Il y avait de l'encre effacée sur le devant de la pierre et deux fleurs largement fanées collées à l'arrière. Je l'attrapai  et pris doucement les tiges des fleurs entre mes mains. Je les déposai ensuite sur un côté de l'endroit où la pierre se trouvait. Je la retournai et vit de nouveau des lignes d'écriture, peu effacées celles-ci. En effet, elles avaient été dirigées vers la terre, un trou où se trouvait une petite boîte était dissimulé dessous.

Je connaissais ces phrases par coeur, car je les réécrivais chaque année depuis trois ans. C'était des paroles de chanson. De notre chanson. Celle que nous n'avions pas terminé. On avait écrit le premier couplet et le refrain ensemble.  Du moins les trois premières phrases du refrain. J'avais terminé ou plutôt écris d'autres morceaux de la chanson. Nous adorions l'anglais. Elle était donc en anglais. (NDA: je vous mets la traduction )

Was it the sky we wanted to see ?
Was it the life we wanted to live ?
Was it us, or just a dream ?

Together against the world,
We were strong,
And we were bold.
But I wasn't there for the end of the song.

As life go on, you're not here.
As I go on, you can't leave.
As I was there, I let you die.

Together against the world,
We were strong,
And we were bold.
But you weren't there for the end of the song.

Était-ce le ciel que nous voulions voir ?
Était-ce la vie que nous voulions vivre ?
Était-ce nous, ou simplement un rêve ?

Ensemble contre le monde,
Nous étions fortes
Et nous étions téméraires,
Mais je n'étais pas là pour la fin de la chanson.

Alors que la vie continue, tu n'es pas là.
Alors que je continue, tu ne peux pas partir.
Alors que j'étais là, je t'ai laissée mourir.

Ensemble contre le monde,
Nous étions fortes
Et nous étions téméraires,
Mais tu n'étais pas là pour la fin de la chanson.

Je pris alors le petit coffre. Sur le couvercle était notée notre phrase.

Les tristesses de la Lune font la beauté des vagabondes.

Les poèmes. Le spleen. Baudelaire.

Julie.

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Hello la compagnie !
Comment vous allez ?
Moi ça va écoutez, j'ai repris les cours depuis une semaine et bon x)
J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu et je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures :)

Aussi n'hésitez pas à me donner vos avis :)

Les Pleurs Du Mal Où les histoires vivent. Découvrez maintenant