Chapitre 10

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Je plaçais correctement le coffre rempli de nombreux papiers sur mes genoux. Des papiers couverts d'encre de toutes les couleurs. Des dessins. Au dos desquels se trouvaient des poèmes. Je ne pus pas retenir mes larmes quand je tombais sur le dessin de Liam. Elle l'avait fait lorsqu'il était tout petit. Et il ne se souvenait presque pas d'elle. Mais il lui ressemblait énormément. Il avait son intelligence, encore plus développée si toutefois cela avait été possible. Il avait sa gentillesse. Il avait son sourire et sa joie de vivre. Il avait d'elle tout ce que je n'avais jamais eu.

Un craquement retentit dans mon dos et je sursautai. Je jetai des regards tout autour de la clairière mais je ne vis rien. Je tentais tant bien que mal de faire redescendre les battements de mon coeur à un rythme normal mais je ne pouvais me sortir de la tête cette impression d'être observée. Dans tous les romans que j'avais lus, le héros avait cette impression et finissait égorgé au fond d'une ruelle. Si c'était mon destin, je l'accepterais. Après tout je ne méritais rien de plus.

Je rangeais de nouveau les feuilles soigneusement et replaçai la pierre. Tandis que je me relevais, j'entendis un nouveau craquement. Je fis volte face et j'entrevis une paire de bottes noires. Malia. Probablement. Que faisait-elle là ?

Je repris mon sac et m'asseyais sur le souche. Je le vidai de son contenu.

Un bruissement de feuilles m'avertit qu'elle n'avait pas quitté la forêt.

Je tournai alors lentement la tête vers elle et accrochai son regard sombre dans l'or brûlant de larmes de mes iris. Son visage pâle surmonté d'un bonnet aussi noir que ses cheveux lui donnait un aspect de grande faucheuse. La mort était peut être enfin venue me faire payer ma dette en fin de compte.

Mais non.

Elle me regardait seulement, adossée à un arbre effeuillé, comme une photo en noir et blanc défraîchie. Mais cette image était belle, parce que Malia l'était tout d'abord, il aurait fallu être aveugle pour ne pas l'admettre, mais surtout parce qu'elle illuminait l'air autour d'elle. Je ne comprenais pas vraiment la raison de la fascination profonde qui me prit à cet instant mais je restai le regard fixée sur l'apparition divine qui venait de se produire.

Cela peut sembler exagéré, mais c'était le sentiment que j'avais à ce moment, au milieu de cette clairière les yeux humides d'eau salée de rage et d'émotions néfastes.

Elle s'avança vers moi, de sa démarche charismatique au possible. Malia était de ces personnes qui attirent les regards partout  où elles passent. Elle était belle, mystérieuse, étrange, charismatique, sombre, et laissait un je-ne-sais-quoi traîner dans l'air à chaque fois qu'elle posait les yeux sur quelque chose. Et j'étais sous cette emprise. Irrémédiablement. J'avais tenté de le fuir en vain. Je ne pouvais pas lui échapper. Elle voulait quelque chose de moi, elle avait vu quelque chose en moi qui avait retenu son attention.

Je ne savais pas quoi, ni pourquoi, et je ne voulais pas de son attention ni de sa pitié. Je la détestais, elle me ressemblait trop pour que je l'apprécie. Elle lui ressemblait trop.

D'un autre côté, je ne pouvais m'empêcher d'être intriguée par elle, par cette mélancolie, cette rage, cet espoir déçu que j'avais entraperçus dans son regard à l'occasion de notre confrontation. Elle cachait quelque chose, j'en étais persuadée. Et je voulais savoir ce que c'était. Elle savait elle aussi, que je cachais quelque chose. Et elle aussi voulait savoir ce que c'était.

Nous avions joué au jeu du chat et de la souris assez longtemps maintenant, et nous étions toutes les deux lasses de cette mascarade sans queue ni tête. Le résolution de cette histoire arrivait, et je n'étais pas prête.

Je savais très bien ce qu'elle allait impliquer, ce que j'allais en faire, ce que j'allais devenir à ses yeux. Après tout, pourquoi cela m'importait-il ? Je ne devrais pas m'en soucier, elle n'était rien à mes yeux.

Les Pleurs Du Mal Où les histoires vivent. Découvrez maintenant