Deux éclats perçants nous consumaient. Je n'avais pas vraiment fait attention à ses yeux la dernière fois que m'étais retrouvée face à elle, je m'en rendais compte maintenant que je me retrouvais sous le feu de ses iris.
On y lisait comme dans un livre ouvert alors qu'ils étaient aussi insondables que les abysses les plus profondes. Le noir qui en occupait la majeure partie reflétait la haine qu'elle entretenait farouchement à l'égard du monde et la zone claire qui transparaissait sur le contour de la pupille inondait l'esprit qui y plongeait d'un sentiment de contradiction la plus pure.
Je n'étais pas prête à recevoir autant de sentiments noirs et brouillons aussi soudainement, c'est pourquoi je faillis tomber à la renverse. Je n'avais ressenti cela qu'à une seule occasion et j'aurais préféré ne pas m'en souvenir.
Elle balaya la salle du regard, posant deux étincelles méprisantes sur chacune des personnes qui se trouvaient en face d'elle, faisant méthodiquement le tour des élèves.
Puis elle arriva à ma place. J'avais mes yeux indifférents, parfaits pour cette situation, ceux qui disaient à chacun que j'étais bien celle qu'ils croyaient, la petite fouineuse de malheur.
Quand nos yeux se rencontrèrent, il me sembla que deux paires d'épées se livraient un combat invisible, froideur contre froideur, mépris contre mépris. Il aurait pu sembler que nous luttions à armes égales, n'eût été la couleur de ses yeux. Elle avait tant de profondeur, tant d'émotion et tant de vie dans un simple regard qu'il m'était incapable de rivaliser avec la couleur océan abyssal que ses iris renvoyait. Mon noisette fade ne pouvait rien contre cela.
Mais je soutenais son regard, même alors que je perdais du terrain. Je n'abandonnerais face à personne. Telle était ma résolution.
— Je vais donc vous laisser commencer votre cours Monsieur Ferri.
Je détournais les yeux vers le proviseur adjoint, saisissant avec joie cette occasion de m'échapper de cette bataille perdue d'avance. Il sortit de la salle en refermant la porte derrière lui et je tournais de nouveau la tête vers Malia. Elle me regardait un sourire amusé flottant sur les lèvres, ses yeux comportant un message silencieux.
"Ce n'est pas fini."
— Mademoiselle, allez vous asseoir à côté de Lucille.
Je tournais rapidement la tête vers notre professeur de maths, un léger air de panique sur le visage. J'examinai le reste de la classe et constatai qu'il n'y avait pas d'autre place libre. J'observais Malia s'avancer vers la table à ma droite un air satisfait sur le visage. De mon côté, je rendis mon regard le plus dur possible et la fusillait avec toute la rage dont j'étais capable.
Elle s'installa à mes côtés, déposant une simple feuille et un stylo sur sa table. Je détournai les yeux et me concentrai sur le cours.
Non, ce n'était pas fini.
***
Le bruit régulier de mes ongles tapant sur la rambarde de la passerelle qui traversait le hall résonnait de façon rassurante dans mes oreilles. Je fronçai les sourcils en regardant ma montre. Cela faisait déjà neuf minutes.
Des rires retentissaient sur ma droite mais ils ne firent que m'énerver un peu plus. Ces crétins étaient en train de faire un concours de lancers d'avions en papier. Je soupirais un peu plus fort. Dix minutes et il n'était toujours pas là. Quand l'un des avions de les camarades de classe vint s'écraser à mes pieds, je le ramassai et le froissai dans mon poing. Le propriétaire s'approcha de moi en me demandant s'il pouvait le récupérer. Je lui lançais un regard noir et déchirai son précieux avion en mille morceaux.
— Tu le veux toujours ?
Ma voix était sèche et rude, la colère y résonnait encore plus que d'habitude. L'adolescent qui se tenait en face de moi sembla prendre peur et recula vers le couloir d'où il était sorti.
Je me retournai face au vide et pianotai plus violemment sur la planche de métal.
— Hey , calme toi, rabat-joie, ils s'amusent juste.
Je fis volte-face vers l'origine de la voix rauque qui avait prononcé ces mots. Malia se tenait face à moi.
Une nouvelle bataille de regard venait de démarrer, mais j'étais mieux préparée cette fois-ci. La colère qui embrasait mes veines jusque-là se transforma en une rage animale, débordante et violente, qui se propagea comme une onde de choc dans mon corps. Mes doigts se crispèrent autour d'objets invisibles, ma bouche forma un pli sévère et mes yeux se fermèrent. Pendant ce court instant d'obscurité, le feu de rassembla derrière mes paupières, transformant le noir de mes pupilles en un démon avide et le doré de mes iris en un brasier flamboyant, aussi beau que mauvais, aussi charismatique que dévorant.
Lorsque mes yeux reçurent de nouveau la lumière du soleil, ils brillaient de cet éclat poignant, je le sentais. Je sentais chaque cellule de mon corps, chaque parcelle de ma peau, chaque mouvement infime se regrouper dans un seul but, détruire l'objet de ma colère. C'était un peu effrayant aussi, de se voir changer du tout au tout comme cela, de devenir un monstre capable du pire. Je ne le ferais pas je le savais, mais j'en serais capable si toutes mes barrières avaient été balayées par quelque chose.
Je la voyais. Cette autre émotion, ce témoin, il s'infiltrait dans ses yeux, dans son corps, réveillant ses cellules comme les miennes avaient été réveillées, absorbant chaque signal, chaque vision comme le dernier.
Elle avait peur de moi, de cet éclat de mon âme qui filtrait à travers mes yeux. Elle l'avait bien interprété comme je l'avais fait pour son éclat à elle. J'avais les cartes en main cette fois. Et je comptais bien en profiter.
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Wouah je suis choquée de ma propre écriture. Ça vous fait ça des fois ?
Déjà parce que, avant, j'aurais été incapable de faire durer une scène aussi longtemps ( j'étais censée la finir dans ce chapitre pour tout vous dire ), et ensuite parce que je ne sais pas d'où me sont venus tous ces mots. Il faudrait vraiment que je comprenne pourquoi j'écris mieux après avoir fait mes devoirs 🤔 (ou pendant que je suis censée les faire ça dépend du point de vue )
J'espère en tous cas que ce chapitre vous a plu et je vous dit à bientôt pour le prochain !
( N'hésitez pas à me signaler les fautes je sais que j'en fais )
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Les Pleurs Du Mal
Fiksi UmumOn voit souvent des personnes parfaites passer dans la rue. C'est à ce moment que l'on remet notre vie en question en général. Lucille elle, ne la remettait jamais en question puisque sa vie était clairement définie. Sa vie était de faire respecte...