Chapitre 13

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Ce matin-là, ce fut Keith qui se réveilla le premier. Et il lui fallut plusieurs minutes avant de se rendre compte qu'il partageait de nouveau son lit avec Lance. Il se figea, pas de panique ou d'inconfort, mais plutôt d'incompréhension. Parce qu'il ne se souvenait pas avoir pris la décision d'inviter de nouveau Lance à dormir avec lui la veille. Sa mémoire était claire, et il se souvenait nettement qu'ils s'étaient juste couchés et endormis sans vraiment se poser de question. Comment était-ce possible ? Keith avait conscience qu'il avait souvent tendance à avancer sans vraiment prendre le temps de considérer les conséquences de ses actions, mais il y avait toujours un moment où il décidait. Là, il n'avait rien décidé. C'était juste arrivé. Comme si c'était normal et habituel. Alors que, clairement, ce n'était pas habituel. On ne pouvait pas appeler une habitude quelque chose qui n'était arrivé seulement deux fois. Pourtant, c'était le seul mot qui lui venait à l'esprit. Et il ne parvenait pas à comprendre comme cela avait pu arriver. Comment ils en étaient arrivés là. Quel avait été le déclic. Et pourquoi cela lui semblait si naturel. A vrai dire, il pourrait vivre heureux sans avoir les réponses à ces questions. Mais là maintenant tout de suite... Cela le frustrait de ne pas savoir. De ne pas comprendre. De ne pas réussir à interpréter ses propres actions, à déterminer les raisons de ces actions. Alors qu'il était censé être celui qui les orchestrait. Et ce qui était d'autant plus frustrant, c'était que la réponse lui semblait si évidente qu'il ne parvenait pas à la trouver. Comme un prédateur, planté juste en face de lui, et pourtant invisible grâce à son camouflage parfait. Il ne parvint pas à déterminer si l'attaque de ce prédateur était à attendre avec impatience ou à redouter prudemment.

Lance remua dans son sommeil, et resserra inconsciemment sa prise autour de sa taille, dérangeant les plumes rouges qui se trouvaient là, collant sa joue contre son épaule. Les grandes ailes de Keith n'étaient pas vraiment pratique pour ce genre de choses, mais le milan devait bien admettre que, malgré les quelques plumes qui le démangeaient à cause de cela, la situation était agréable. Il manœuvra son aile qui n'était pas contre le matelas pour la déplier au-dessus de Lance. Il ne savait pas vraiment quoi faire à présent qu'il était réveillé, mais le constant besoin d'envelopper Lance dans ses ailes pour le protéger de tout le reste lui dicta ses gestes et très vite, les deux garçons se retrouvaient sous une barrière de plumes rouges qui ne laissaient filtrer que très peu de la lumière déjà faible dans la chambre. Ses yeux déjà habitués à l'obscurité, Keith put admirer Lance tout son saoul pendant qu'il dormait. Il l'avait reproché à Lance la veille, mais à présent que c'était son tour, il ne pouvait pas ne pas affirmer que cela avait un effet plus que relaxant. Lance était détendu, le visage serein, fronçant parfois le nez lorsqu'une des plumes de Keith venait lui chatouiller le visage, et sa respiration semblait résonner comme les douces vagues d'un lac, régulière et profonde. C'était comme si la décontraction de Lance était contagieuse, infectant Keith sans qu'il n'oppose de véritable combat.

Les minutes passèrent et Keith crut bien qu'il allait s'endormir de nouveau, quand il entendit un murmure, à peine audible et qu'il eut du mal à comprendre.

-Maintenant, c'est toi qui me regardes dormir, fit Lance. Espèce d'hypocrite.

La pie bailla largement, l'étouffant dans l'épaule de Keith, avant d'y enfoncer son nez avec un gémissement endormi.

-Pas envie de me lever, dit-il.

Sa voix était moins lisse et fluide que d'habitude, enrouée par le sommeil et étouffée par l'épaule de Keith.

-On est pas obligé, fit remarquer Keith dans un murmure.

Aucun ne semblait enclin à briser le silence matinal et comme engourdi de la pièce.

Étends tes ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant