IMMORALE (camren)

1. Felt, Texas

Lauren

- Alors, ça y est, tu as ton emploi du temps ?

Je sursaute. Je ne m'attendais pas à ce que Shawn soit là au moment où je sortirais du bureau de la vie scolaire. Et puis avec l'insomnie carabinée qui m'est tombée dessus cette nuit, je n'ai vraiment pas les yeux en face des trous ! Mon seul ami à Felt High – rectificatif, mon seul ami dans toute la ville – m'arrache mon emploi du temps des mains.

- Trop bien ! On a sciences nat' ensemble avec Mme Boyd. Tu vas voir, elle est géniale.

- Et Whitford, le prof de littérature ? Il donne quoi ?

- Soporifique, grimace Shawn. Je te plains. Moi, j'ai Riggins, et il est génial.

- Mince... C'est ma matière fétiche !

- Demande à changer de classe. Ça sert à quoi d'être la fille de la conseillère d'éducation si tu ne peux pas obtenir un traitement de faveur ?

- Chuuut ! lui intimé-je. Moins fort ! Tu veux que je sois étiquetée « fayote » dès le premier jour ?

- Lauren jauregui, déclare solennellement Shawn, je ne sais pas ce que tu penses mais sache que dans une petite ville comme la nôtre, tout le monde va rapidement faire le lien entre toi et la nouvelle conseillère d'éducation Clara Jauregui. Bon, c'est lequel, ton casier ?

- Le 335.

- OK, suis-moi, on va le trouver.

Alors qu'on navigue dans les couloirs, bras dessus, bras dessous, je me demande si, avec mon chemisier sans manches à col Claudine, ma jupe trapèze et mes derbies à talons, je ne suis pas restée trop bloquée sur le look « pensionnaire ». Toutes les nanas que l'on croise portent des mini-shorts frangés, des sandales et des petits hauts. Et me regardent comme si je débarquais de la planète Mars.

Ou d'un épisode de Gossip Girl.

C'est d'ailleurs presque le cas. Jusqu'à cette rentrée scolaire, j'étais dans un internat très sélect dans le Vermont. Une école privée de filles, payée par mon frère, le fameux magnat de la high-tech Chris Jauregui. L'homme qui s'étale en couverture des magazines qu'on peut trouver chez les dentistes huppés de l'Upper East Side – Forbes, GQ, Times... Pour en revenir à mon ex-pensionnat, vous voyez, ces séries adolescentes qui parlent de la progéniture des riches et puissants de ce monde ? Qui montrent des images de gamines en uniformes stricts qui exhibent des sacs griffés Hermès ou Chanel en guise de cartables ? C'est dans cet univers que j'évoluais depuis quatre ans. Alors forcément, malgré tous mes efforts pour être dans le ton en cette rentrée, je me sens en complet décalage. Les sacs à dos colorés, les tenues sexy, les piercings apparents et les chewing-gums mâchés de façon ostentatoire, c'est complètement nouveau pour moi !

Sans parler de l'autre sexe.

La Putney School avait beau être jumelée avec un internat de garçons, le seul cours que nous partagions avec ces derniers était l'assemblée matinale, qui avait lieu dans la chapelle de leurs bâtiments. Autant dire que niveau mecs, je suis une arriérée ! Et l'inconnu, ça fait toujours un peu peur... Aussi, alors qu'une meute de « petits » de première année passe en courant à côté de Shawn et moi en manquant de nous bousculer, je me ratatine contre les casiers.

- Putain, mais quelle bande de gamins... J'espère que je ne suis pas comme tous ces mecs aussi immatures ? grommelle Shawn.

Il se retourne et son visage s'illumine.

- Le voilà ! lance-t-il, triomphale. Le fameux casier 335 ! Là où tu pourras planquer en toute sécurité ta contrebande lycéenne : marijuana, packs de bières, magazines pornos...