14. L'odeur de la terre après la pluie

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Lauren

- Chérie ! Tu es vraiment magnifique... Ce lilas met vraiment ton teint en valeur.

Je me contemple dans le miroir du showroom, vêtue de cette robe en satin que ma mère m'a fait faire par une couturière de Houston. Ma robe de demoiselle d'honneur, pour son mariage cet été.

Et je me hais.

- Pourquoi tu fais cette tête ? me demande doucement ma mère en venant m'enlacer par-derrière. Tu la détestes tant que ça ?

Je resserre l'étreinte de ses bras autour de moi et tente de chasser l'expression anxieuse et mélancolique que me renvoie le miroir.

- Maman, tu te trompes. Elle est magnifique, cette robe. C'est juste que... Je suis fatiguée. Ça a été une longue semaine.

- C'est enfin le week-end, mon bébé. Tu vas te reposer. D'ailleurs, en parlant de week-end, change-toi vite ! Je voudrais éviter les embouteillages sur le retour. Sinon, j'ai bien peur qu'on rate le coup d'envoi...

- On est vraiment obligées d'y aller, ce soir ? Camila ne danse même pas, le coach l'a puni sur la touche à cause de la bagarre qui a éclaté durant l'entraînement l'autre jour...

Elle va être dans son uniforme, ses peintures aux couleurs de l'équipe sur son visage d'ange ténébreuse, ses pompons à la main. Et moi, je ne vais pas pouvoir m'empêcher de la bouffer des yeux.

- On y va pour Alejandro. Je ne veux pas perdre l'occasion de l'entendre s'égosiller en direct ! tranche ma mère avec un clin d'œil. Et puis tu sais qu'après, on a ce dîner du Booster's Club. Et je crois, ajoute-t-elle avec une mine réjouie, qu'ils ont loué une machine à Karaoké...

- Je vois d'ici le tableau, ris-je en m'efforçant d'être gaie. C'est pour ça que la météo a annoncé de l'orage ?

- Tu es mauvaise langue, fait mine de bouder ma mère.

- Oh non, petite maman chérie, je ne voulais pas te vexer... dis-je en jouant le jeu. Personne ne massacre les chanteuses québécoises à voix avec autant de panache que toi. Et je comprends que tu veuilles t'amuser... Mais moi, rien ne me force à y aller, à ce match !

- Qu'est-ce que tu racontes ? Le quaterback a besoin de sa fan numéro un, sourit tendrement ma mère.

Non, je doute que Brad ait besoin de moi.

Une fille qui embrasse une autre fille dans qui plus est sa meilleure amie alors qu'il n'est qu'à quelques mètres de là. Une fille qui embrasse sa propre demi-sœur !

Je me dégoûte.

Mais ça, je ne peux surtout pas lui laisser le voir. Je ne peux pas lui laisser sentir que depuis dimanche, je suis complètement perdue. Perdue et malade d'angoisse. Et aussi un peu obnubilée.

Un peu ? C'est un euphémisme.

Alors j'essaye de donner le change. De redoubler d'attention. Je passe le plus de temps possible chez Brad, après les cours, pour éviter Camila. Et quand je ne peux pas dîner chez les parents de Brad, je vais chez les Mendès. J'y ai même dormi deux nuits, en me servant d'un exposé que nous devons présenter la semaine prochaine, Shawn et moi, comme prétexte. En la présence de mon meilleur ami, au moins, je ne pense plus à ce qui s'est passé dimanche dans les bois. Tout se bloque, se range dans un placard à l'arrière de mon esprit. De tout ce qu'il y a de malsain dans ce baiser, Shawn n'est sûrement qu'un détail... Pourtant, c'est bien par rapport à lui que je m'en veux le plus. Quel genre d'amie se comporterait comme ça ?

Et ensuite, n'arrêterait pas d'y penser ?

En prime d'être aussi inconsciente et tordue que Camila, je suis aussi une traîtresse. Une menteuse. Une hypocrite.

Une obsédée. Et mon obsession fait un mètre cinquante-sept, a des yeux chocolat, des cheveux de soie et un cul à tomber.

Heureusement, Camila aussi fait tout pour m'éviter. Quand on se croise dans la maison, elle détourne les yeux. Je ne pourrais de toute façon pas soutenir son regard. Quand je repense à dimanche, j'ai tellement mal au ventre que j'en ai la nausée. Le pire, je crois, ce n'est même pas tant le baiser. C'est le souvenir de l'état dans lequel elle m'a mise. L'incendie que ça a allumé, en moi, pendant quelques secondes. Quelques secondes où j'aurais été prête à tout pour...

Je suis malade. Perverse.

Camila et moisommes demi-sœurs, merde ! Si jamais ça venait à se savoir, si jamais quiconqueapprenait que la fille de la côte est qui vient d'emménager a trompé son copain, a trahi son seul ami, tout ça pour séduire la fille de son beau-père...Je n'ose pas imaginer ce que les gens diraient de moi.

IMMORALE (camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant