IMMORALE (camren)

20.1

Lauren

Le réveillon de Noël passe, et je dois faire des efforts surhumains pour ne pas entamer le compte à rebours avant notre inéluctable séparation. Camila et moi profitons à fond de nos journées, malgré quelques visites « en famille » avec Alejandro et Clara.

Notre nouveau Hobby ? Fausser compagnie à nos parents pour aller faire des trucs de « djeun's ». En réalité, il s'agit de balades dans les rues enneigées, de chocolats chauds pris dans des salons de thé, de visites de disquaires indépendants, sans peur de croiser quelqu'un qu'on connaît... Tout ça suivi d'étreintes enfiévrées et urgentes dans sa chambre d'hôtel.

Qu'est-ce qui fait que mon corps réagit autant au sien ?

Que je la désire, tout le temps, moi qui n'avais jamais désiré personne avant ?

Que je ne puisse pas m'empêcher de la toucher, et réciproquement ? Il y a une alchimie entre nous. Une alchimie qui explique que je n'arrive pas à me la sortir de la tête, à arrêter de penser à elle- même quand elle est avec moi.

Bien sûr, il n'y a pas que le sexe... Ce serait me leurrer que de réduire ce que je ressens à une simple attirance physique. Tout me fascine et m'attire chez Camila, et ce depuis le premier jour- même si, pendant longtemps, j'ai tenté de le nier. Son audace. Sa liberté. Son franc- parler. Son intensité. Son caractère passionné. J'ai été surprise de découvrir que son intérêt pour la musique est aussi fort que le mien pour les livres. J'admire ses connaissances encyclopédiques, la patience avec laquelle elle les partage. Tout comme j'aime aussi voir son émerveillement pour la ville, pour toutes les opportunités culturelles qu'elle offre. Je la traîne dans des musées et elle ne proteste pas, bien au contraire. Je joue les guides touristiques et architecturaux. Elle m'écoute, avide de découvrir. Elle n'a bien entendu pas coupé non plus à l'excursion à Coney Idland, mon endroit préféré en hiver. Il n'existe rien de plus poétique que la plage sous la neige. Camila s'est pliée de bonne grâce au tour de grande roue obligatoire, à la séance de selfies une fois perchés dans les airs, même si j'ai eu peur qu'elle refuse sous prétexte que c'est trop cliché et trop... romantique. Pour aujourd'hui, la sauvage m'a même réservé une surprise, qu'elle exhibe sous mon nez dès le petit déjeuner, pendant que les autres vaquent à leurs occupations matinales.

- Voici une liste rédigée avec soin pour visiter New York façon « Lauren Jauregui ».

- Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en tentant de lui arracher le papier, qu'elle me confisque d'un geste vif.

- Le catalogue de toutes tes obsessions. Allez, enfile tes bottes, on n'a pas toute la journée !

Je glousse, ravie, et nous nous esquivons de la townhouse comme les deux complices que nous sommes.

- N'oublie pas notre dîner de ce soir ! me lance Chris au moment où je m'enfuis. J'ai réservé à vingt heures chez Barbetta, comme au bon vieux temps !

- Je ne raterais ça pour rien au monde ! A ce soir, réponds-je avant de claquer la porte d'entrée.

Premier arrêt prévu par Camila, le Musée d'Histoire Naturelle, sur les traces de Holden Caulfield, le héros de L'attrape-cœurs de J.D. Salinger. Puis la sauvage m'emmène voir la statue d'Alice, dans Central Park. Nous allons examiner la vitrine du magasin Tiffany's, un café à la main, pour imiter Holly Golightly, l'héroïne de Diamants sur canapé. Notre marathon se termine par un verre au Plaza Hotel, façon Gatsby le Magnifique. Par chance, personne ne nous demande notre carte d'identité. Sûrement parce que Camila a plus l'air d'une étudiante de fac que d'une lycéenne.