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Lauren

- Je t'en prie, Lauren, me supplie Camila. Ne fais pas ça. Ne gâche pas tout.

Assis à la place passager, dans la voiture de ma mère, elle me fixe de son regard trop intense pour que j'arrive à le soutenir. Et moi, je contemple le volant, les clefs sur le contact, le champ qui part de ce bas-côté où je me suis garée pour qu'on puisse parler en tête à tête, n'importe quoi sauf son beau visage malheureux.

- Le gâchis, ce serait de continuer, Camila, déclaré-je dans une voix qui n'est plus qu'un murmure enroué. A quoi ça sert de se battre contre la ville entière, de détruire nos familles, pour une relation qui n'ira de toute façon nulle part ?

- Ça, tu n'en sais rien !

- Si, je le sais, réponds-je tristement.

Alors que ma respiration est encore heurtée par toutes les larmes versées, je fouille dans mon sac et lui tends la lettre de NYU. Elle la prend, commence à la parcourir en silence.

- Je pars, Camila.

- A la rentrée ! proteste-t-elle. Ça nous laisse encore...

- Six mois, maximum. Six mois pour nous attacher encore, pour souffrir encore plus quand tu seras dans l'Indiana et moi à New York.

- Les relations à distance peuvent fonctionner...

- Quand les gens se voient ! Thanksgiving, Noël... On sera avec les parents. Qu'est-ce qu'on va faire ? Se contenter des dix minutes où on pourra se cacher derrière une porte close, dans une voiture, dans la caravane ?

- Ça me va, si ça veut dire que je peux être avec toi ! S'emporte-t-elle avec un tel désarroi que ça me brise le cœur.

Le pire, dans tout ça, pour moi, c'est le mal que je lui fais.

- Ça ne veut pas dire être ensemble, ça, Camila, déclaré-je d'une voix étranglée en n'arrivant pas à tourner mon visage vers le sien. Ça veut dire se cacher.

- Très bien, décrète-t-elle après un silence. Très bien. Je leur dis tout, alors. Ce soir.

Sa voix est absolument résolue. Mais ma réaction, à moi, est épouvantée.

- Ne fais pas ça ! Je ne te pardonnerai jamais, si tu fais ça !

- Et moi, je ne me pardonnerai jamais si je ne fais pas tout ce qui est en mon pouvoir pour continuer à t'aimer ! Parce que je ne pourrai jamais être heureuse sans toi !

- Sauf que je ne veux pas d'un bonheur volé, Camila ! m'emporté-je. D'un bonheur dérobé à ton père, à ma mère... La vérité, c'est que tu n'as jamais cru à leur relation ! Tu n'as jamais cru à ce mariage, à ce couple. Mais ma mère est enfin heureuse ! Et je refuse de gâcher sa vie.

- Donc son bonheur prévaut sur le tien ? objecte-t-elle.

- Après tout ce qu'elle a vécu ? Un viol, se retrouver veuve à 40 et quelques années ? Bien sûr qu'elle mérite sa part de bonheur ! Notre relation, face à ça, Camila, ce n'est rien, OK ? Tu peux peut-être te montrer égoïste à ce point mais moi pas. Je ne suis pas comme ça !

Elle me regarde, choquée, furieuse. Puis esquisse un rictus amer, celui que je connais bien. Celui qui est le sien quand elle s'apprête à me blesser.

- Non, bien sûr, tu n'es pas comme ça... Tu es la gentille petite Lauren, et moi, la méchante salope. Tu es généreuse et moi égocentrique. Tu penses aux autres et moi je les détruis. Et puis tu as raison. Nous deux, ce n'est rien. Tu sais quoi, Lauren ?

Elle marque une pause, ouvre la portière.

- Va te faire foutre, conclut-elle en descendant du véhicule.

IMMORALE (camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant