Lauren
L'après-midi se termine et la nuit tombe comme une chape de plomb sur mes mille questions sans réponses. Nous dînons, rions et, de l'extérieur, nous avons l'air de la famille américaine typique. Solidaire, joyeuse, chaleureuse. Chris et Lake, avec leur vie hors norme, apportent une touche d'excentricité. Moi, je suis celle qui fait des blagues cassantes et qui arrache des rires un peu choqués mais ravis à ma mère et Alejandro. Quant à Camila, elle parle souvent avec Lake, à voix basse. J'ignore de quoi, mais je sais que ma future belle-sœur a l'air de vraiment l'apprécier. Puis, une fois les restes mangés, la cuisine rangée, tout le monde va se coucher. Camila a prêté sa chambre à mon frère et Lake pour le week-end, elle s'est installée dans la caravane du jardin. C'était même à mes yeux la meilleure nouvelle de week-end, plus encore que la venue de mon frère adoré... Mais je me sens tellement perdue, depuis ce texte que j'ai lu, que maintenant, l'éloignement de Camila m'oppresse. Alors que j'escorte le couple vers leur quartier, mon frangin pousse un sifflement admiratif. Je comprends que ce sont les affiches de musiciens qui l'interpellent.
- Pointue, cette Camila, remarque Chris.
- Ah bon ? demandé-je en essayant d'avoir l'air de m'en foutre.
Alors qu'en fait, pas du tout. Sentir de la part de Chris une pointe d'admiration pour cette sale conne qui m'obsède depuis des semaines me fait inexplicablement plaisir.
- Pointue et légèrement anachronique. Neil Young, Kurt Cobain...
- Les années soixante-dix et quatre-vingt-dix, indubitablement les deux meilleures décennies musicales, déclare Camila en faisant irruption.
J'entends d'abord sa voix, me retourne, la regarde. Nos yeux accrochent, une fraction de seconde, avant qu'elle baisse la tête et avance de deux pas.
- Pardon, j'avais oublié...
Elle ne termine pas sa phrase mais attrape le bouquin posé sur sa table de chevet, qu'elle secoue dans les airs avec un air d'excuse. En voyant la couverture, mon cœur fait un bond.
La Cloche de détresse. Sylvia Plath.
Ce que je lisais au lac le jour où nous nous sommes embrassées pour la première fois.
- Je suis un peu insomniaque, se justifie-t-elle en passant nerveusement la main dans ses cheveux souples. J'ai découvert récemment que quelques chapitres le soir, ça m'aide à me calmer.
Chris la fixe, puis ses yeux se posent sur moi, et je me sens devenir rouge pivoine.
- Je vois... lance mon frère en plissant les yeux.
Mon vrai frère. Celui qui me connaît. Celui qui a mon sang.
- Bon, je vous laisse, déclaré-je à la hâte. Bonne nuit, les citadins. Bonne nuit, Camila.
Puis je sors de la chambre en évitant tous les regards et traverse le palier à toute allure pour aller me cacher sous la couette. Le seul souci ? C'est que deux heures plus tard, le sommeil est aux abonnés absents. A la place des bras de Morphée, je me vautre dans un monticule de questions désorganisées. D'interrogations coupables. Chaque détail de la journée, de ces dernières semaines, des paroles de Camila, tourne en boucle, avec le mécanisme obsessionnel d'un Rubik's Cube. Mon réveil indique une heure trente. Il indique deux heures, il indique deux heures trente. Je me lève, soulève les lamelles de mes stores, constate que la lumière de la caravane est encore allumée.
- Qu'est-ce que je fous ? marmonné-je comme pour moi-même au moment où j'enfile mes ballerines.
Au moment où je m'enroule dans mon gros gilet en laine. Avant de quitter ma chambre sur la pointe des pieds, de descendre les escaliers précautionneusement, puis de sortir par la porte de derrière pour aller rejoindre Camila.
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IMMORALE (camren)
FanfictionCapitaine des cherleaders, Camila est sexy, puissante, invincible. Aucun garçon ne résiste à son charme, elle obtient ce qu'elle veut d'un claquement de doigts. Sauf avec Lauren. Sa future demi-sœur lui tient tête, l'agace et refuse de se laisser in...