IMMORALE (camren)

19.3

Camila

- Camila !

La voix de Clara, derrière la porte, me sort de mon sommeil profond avec la violence d'un coup de massue.

- Camila, désolée de te réveiller mais... tu n'aurais pas vu ta sœur ?

Lauren et moi nous regardons, paniquées. Nues toutes les deux, sous ma couette, nos jambes sont encore enchevêtrées. Ma « sœur » me fait signe de rester calme, s'éclaircit la gorge et répond :

- Je suis là, maman ! J'ai dormi dans la caravane avec Camila. Soirée un peu difficile hier, Brad et tout...

- Oh, répond Clara avec un infini soulagement. En ne te voyant pas dans ta chambre, j'ai commencé à m'inquiéter, rit-elle comme si c'était saugrenu. Bon, dépêchez-vous, le petit déjeuner est servi.

En quelques secondes, on improvise des pyjamas. Un vieux tee-shirt et un de mes shorts pour Lauren, mon habituel maillot de football pour moi. J'hésite à la tirer vers moi, à l'embrasser avant qu'on y aille, mais à son visage fermé, je devine que ce n'est pas l'idée du siècle.

Et voilà, je l'ai de nouveau perdue.

Sauf que cette fois, je compte me battre. Au moment où elle ouvre la porte de la caravane, je la retiens. Plonge dans ses beaux yeux tourmentés.

- Je ne te laisserai pas faire, cette fois, Lauren... déclaré-je d'une voix sourde, basse. Je ne te laisserai pas annuler la nuit.

- Ce n'est pas ce que je veux, Camila ! me répond-elle, au supplice. Mais c'est ce qu'il faut...

Je l'attire à moi, contre mon corps encore électrisé par une nuit passée à sentir sa chaleur, sa douceur. Quatre rapports. Des orgasmes à la pelle. Et aucun soulagement à l'horizon. Au contraire, l'envie de plus. Encore plus.

L'envie d'elle. De tout, avec elle.

- Laisse-nous une chance, Laur', demandé-je dans un souffle.

- Une chance de quoi ? D'une prochaine nuit dans un mois ?

- Si on te l'offrait, cette nuit, tu la refuserais ?

- Non... m'avoue-t-elle d'une petite voix. Mais en l'attendant, je vais souffrir le martyre.

- Et tu penses moins souffrir si tu renonces à moi ?

- Je souffrirai dans tous les cas, Camila. Mais au moins, je serai la seule.

- C'est là que tu te trompes, fais-je en replaçant une de ses mèches folles avec tendresse. J'y suis, moi aussi, dans cette histoire.

- Les enfants ! crie alors Clara depuis la porte qui donne sur le jardin. C'est servi !

Bien forcée d'interrompre nos négociations, je la laisse quitter mes bras à contrecœur. Mais je ne m'avoue pas battue pour autant. Je reviendrai à la charge, tant qu'il le faut. Je la suis dans la cuisine, en essayant d'afficher un air détaché. Même si pour ma part, voir Lauren dans mes fringues me donne envie de les lui arracher.

- Ça va mieux qu'hier, ma puce ? demande Clara en posant devant sa fille une assiette de pancakes.

- Ça va, oui, lui sourit faiblement Lauren. Ce n'était... rien. Juste... le lycée.

Clara opine et se tourne vers moi.

- Merci d'avoir été là, Camila, me sourit Clara d'un air reconnaissant. Plus globalement, je voulais vous dire que je suis vraiment contente de la façon dont vous vous comportez depuis Thanksgiving... J'en ai parlé avec Alejandro, qui est d'accord avec moi. C'est pour ça qu'on a décidé de vous faire ce cadeau, ajoute-t-elle d'un air énigmatique en tendant à Lauren une enveloppe.

- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle nerveusement en l'ouvrant.

- Deux billets pour New York ! s'exclame Clara, ravie de son effet, en battant des mains. Chris et Lake nous invitent à passer les vacances de Noël chez eux. Comme Alejandro et moi devons travailler encore, vous partez les premiers. On vous rejoindra plus tard. Vous décollez mardi de Houston !

- C'est vrai ? demande Lauren en écarquillant les yeux et en sortant les deux billets de leur étui.

- Tu es contente ? sourit Clara en se mordant la lèvre.

Au lieu de lui répondre, Lauren se tourne vers moi, les billets à la main et semblant ébahie. Son regard brille, d'une lueur que je lui connais trop peu : l'espoir.

- C'est génial, Clara, déclaré-je en opinant. Vraiment, c'est un super cadeau.

- Je suis contente que ça vous plaise. Lauren, ajoute-t-elle en riant, je ne t'avais pas vue aussi heureuse depuis... Eh bien, depuis longtemps !

Et c'est vrai, Lauren resplendit. Parce qu'elle sait comme moi qu'on ne pouvait pas rêver une meilleure opportunité de vivre enfin ce qu'on a à vivre. De voir ce que ça donne, nous deux, sans contraintes, loin de Felt. Et de démêler ce qui se passe entre nous.

Afin de voir si ça vaut le coup de tout foutre en l'air, notre famille, notre réputation, pour être ensemble, elle et moi.