15 Bis

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Camila

- Tu ne te déguises pas, ma chérie ? demande Clara, surprise, au moment où Lauren débarque dans le salon.

Je m'étais pourtant jurée de garder les yeux rivés sur la télé mais comme une conne, j'ai tourné la tête, par réflexe. Je n'aurais pas dû. Pas seulement parce qu'elle est sublime, dans sa robe jaune soleil et ses escarpins à talons.

Mais parce que je sais où elle va.

Je sais où elle va, et je ne peux m'empêcher de bouillir. D'avoir envie de hurler. De vouloir me lever pour aller fracasser Brad avant qu'il ose poser la main sur elle. Tout comme je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qu'elle porte sous sa robe. Est-ce qu'elle a pensé à sa lingerie ? Est-ce qu'elle a enfilé un ensemble sexy pour sa première fois ? Soie, dentelle ? String, tanga ?

Je ne peux pas. Je ne peux pas supporter qu'elle fasse ça.

Je ne pas supporter qu'elle se donne à un autre. A lui. Putain, pourquoi est-ce qu'elle fait ça ? Pour me punir de ce qui s'est passé l'autre soir ? Pour se punir, elle ? C'est une fille intelligente. Elle doit bien sentir que Brad n'est pas assez bien pour elle. Qu'il n'est pas ce qu'il paraît.

Elle s'en doute forcément.

- Les déguisements, c'est pour les bébés, maman, sourit-elle faiblement en évitant mon regard.

- Voyez-vous ça, plaisante Clara avant de se lever du canapé pour aller l'étreindre. Mais à mes yeux, tu seras toujours mon petit bébé, ma chérie.

Lauren rit, et ce son est comme une bouffée d'oxygène. Trop pur, trop intense, il me fait tourner la tête.

- Maman, arrête, tu vas me décoiffer. J'ai mis une heure à réussir ce chignon...

- Et toi, ma fille ? demande mon père en faisant irruption, une bière à la main. Tu n'y vas pas, à cette fête ?

Je continue de fixer Lauren, le visage impassible.

- Je ne crois pas avoir été invité, réponds-je d'une voix neutre.

- Ah non ? s'étonne Clara.

- Oui, reprends-je non sans ironie. C'est une soirée assez privée, d'après ce que j'ai compris.

Mon double discours n'a pas échappé à Lauren, qui rougit jusqu'aux oreilles. Si elle ignorait que je sais pertinemment où elle se rend ce soir, ce n'est plus le cas. Est-ce que ça va suffire à la faire changer d'idée ? Pourquoi est-ce qu'elle fait ça, merde ? Pour me punir ? Si c'est le cas, ça marche putain. Mais c'est encore pire que si elle en avait envie, parce que ça veut dire qu'elle va se punir aussi. Par ma faute.

Si je pouvais juste dire un truc, là. N'importe quoi. Malgré la présence des parents. Un truc pour lui faire comprendre de ne pas y aller.

Mais je ne dis rien. Parce que j'ai trop peur que les parents comprennent. Parce que je suis une sale conne égoïste et lâche, incapable d'assumer les conneries qu'elle fait.

- Bon, ne rentre pas trop tard, jeune fille, la sermonne Alejandro. Je te rappelle qu'il y a école demain.

- Minuit ? répond Lauren.

- Vingt-trois heures.

- Vingt-trois heures trente ?

- Adjugé vendu.

Et sur cette victoire dont elle ne voit probablement même pas à quel point elle est amère, Lauren s'enfuit comme un courant d'air. Moi, je me remets à fixer la télé, sans plus rien voir de ce qui s'y passe. L'image d'elle dans sa robe bouton-d'or est fixée dans ma rétine. J'essaye de suivre l'histoire qui se déroule à l'écran mais tout se mélange dans ma tête, les mots sont de la charpie, et je ne sais pas quoi faire de ma peau. Vingt minutes passent, qui durent des heures. D'un coup, n'y tenant plus, je bondis.

IMMORALE (camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant