29. Ceux qui désertent, ceux qui restent

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Lauren

- Ce n'est pas possible, gémit Alejandro. Jamais elle ne ferait ça, il n'y a aucune raison... Si elle ne valide pas son année, si elle ne reçoit pas son diplôme, ça signifie qu'elle peut faire une croix sur sa bourse ! C'est son rêve, ça l'a été depuis son entrée au lycée. Pourquoi est-ce qu'elle saboterait tout à moins de trois mois de la ligne d'arrivée ?

Mon beau-père tourne dans la cuisine comme un lion en cage. J'observe ma mère, impuissante, le regarder, sans savoir quoi dire, quoi faire. Je me sens vide. Le vrai vide, qui n'est même pas celui de la tristesse, de la peur ; qui n'est que le néant. Un néant que je dois porter en moi, et depuis longtemps, pour détruire ainsi tous ceux que j'approche et aime.

- Lauren, me redemande-t-elle, tu es certaine qu'elle ne t'a rien dit ? Vous êtes devenues si proches... Si jamais Camila s'est confiée à toi, il faut que l'on sache !

Sauf que non, Camila ne s'est pas confiée à moi.

Et ça me tue, bien que je ne puisse pas le montrer.

Bien que je doive cacher à quel point son départ m'affecte. A quel point il m'atteint, moi encore plus que quiconque.

A quel point il me vise.

Ses derniers mots auront été ceux prononcés dans la voiture de ma mère, avant de quitter le véhicule et de se mettre à courir sur la route déserte.

« Va te faire foutre. »

Dans la lettre qu'elle a laissée, elle n'a même pas fait mention de moi. Elle s'est simplement adressée à son père.

Papa,

Je m'en vais parce qu'il le faut. Ne t'en fais pas, tout ira bien pour moi et je te donnerai bientôt des nouvelles. Mais j'ai des choses à régler, trop compliquées et trop douloureuses pour te les expliquer en quelques lignes. Nous parlerons bientôt, je te le jure. Je t'en prie, ne me cherche pas. N'essaye pas de me ramener de force. Si je prends cette décision, c'est pour mon propre bien. Une question de survie. Tu peux me faire confiance, tu sais que je resterais si j'avais le choix. Ta fille qui t'aime et qui te contactera bientôt, Camila.

- Je ne comprends pas, répète obstinément Alejandro. Si elle avait des problèmes, on aurait pu en discuter ! Comment se fait-il que personne ne sache ce qui lui a pris ?

Je ferme les yeux, en sachant, moi, ce qui lui a pris. En la fuyant une fois de plus, une énième, je l'ai conduit à cette extrémité. Voilà, j'ai gagné. A présent, c'est elle qui fuit. Quitte à compromettre son avenir entier.

Pourquoi est-ce qu'elle ne décroche pas au téléphone ? Au moins ça, juste ça ?

- Je ne comprends pas plus que toi mais tant que nous n'en savons pas plus, il faut lui faire confiance, tente de le rassurer ma mère. Elle le dit lui-même dans sa lettre !

- Lui faire confiance, quand elle se comporte de manière aussi irresponsable et incompréhensible ? explose Alejandro. Garde tes conseils pour toi, Clara ! Et au passage, tu peux m'expliquer comment ça se fait que tu ne sois au courant de rien ? Tu es conseillère d'éducation dans ce foutu lycée ! Tu ne sais donc pas ce qui se passe dans les couloirs de l'établissement ?

Ma mère encaisse le coup, courageusement, pendant que la culpabilité me tord les boyaux. Comment leur dire que personne n'est responsable de ce qui se passe, sinon moi ? Comment leur avouer ?

Le téléphone sonne, permettant à Alejandro de faire quelque chose, d'être dans l'action. Et mon cœur se serre, dans l'espoir démesuré que ce soit Camila... Quitte à ce qu'elle balance tout, qu'elle leur explique... Alejandro décroche à toute allure, mais mon espoir s'envole. Ce n'est que le Shérif. Je vois mon beau-père acquiescer à ce qu'il lui raconte. Puis il raccroche pour faire le point avec nous.

IMMORALE (camren)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant