[...]
Le garçon vit la mort arriver en face, persuadé de se faire transpercé de part en part. Il ferma les yeux par réflexe.
Il entendit comme un bruit de tissu de chair se déchirer, ainsi que des craquements d'os se briser.
Mais il ne ressentit rien ; aucune douleur vivace ne lui arrachait de gémissement, si ce n'était sa propre blessure. Il s'étonna seulement de sentir quelques gouttes s'écraser sur son visage.
Il se décida à ouvrir ses yeux d'ambre, qui perdirent aussitôt leur lueur, remplacé par un effroi indescriptible.
Son père gisait au-dessus de lui, transpercé par les ronces blanches, souillées du sang de ce dernier. Le torse et le ventre déchiré par l'attaque, Kharir ne put couvrir sa bouche de sa main lorsqu'il vomit son propre sang.
— Finalement... finalement il m'aura été... utile ! s'égosilla Thalyssa de satisfaction. C'est ça... c'est ça que d'avoir des faibles... à protéger ! C'est ça... que d'être trop stupide pour penser... qu'à toi ! Tu vas... pourrir dans la glace... !
Malgré son agonie, l'hybride laissa échapper un ricanement des plus perçants ; un rire bien trop insupportable aux oreilles de Khurt qui restait pourtant figé face à cette vision cauchemardesque de son père, suspendu au-dessus-de lui.
Il l'avait protégé. Il s'était mis en travers des ronces... pour le sauver.
Khurt l'entendait haleter de douleur, la respiration suffocante, et ne put finalement retenir ses larmes.
— Pa... papa... finit-il par appeler d'une voix brisée, alors qu'il tendait sa main pour atteindre la joue de Kharir.
Le commandant semblait toujours en vie. Ses yeux au même couleur que ceux de son fils dérivèrent vers ce dernier, puis il lui offrit son plus beau sourire paternel, comme s'il essayait de le rassurer.
— Ah...haha... rit-il nerveusement. Tu n'as rien... Quel soulagement...
— Il faut... il faut... il faut soigner ça ! s'étrangla-t-il en tentant d'arracher les ronces du corps du commandant.
Kharir ne répondit pas. Ses longues mèches raides glissèrent de ses épaules, elles-mêmes ensanglantées.
Soudainement, Khurt lâcha les ronces en apercevant d'étranges flammes noires apparaître sur les lianes couvertes d'épines ; ces dernières se mirent à gigoter comme si elles souffraient, avant de partir en cendre. Libéré des ronces, Kharir s'effondra sur son fils.
Trop choqué pour comprendre de quoi il s'agissait, il entendit cependant le rire criard de la demi-femme se transformer subitement en un hurlement d'agonie.
Détournant son regard estomaqué vers Thalyssa, il la vit s'embraser dans ces mêmes flammes noires qui avaient réduit en cendre les ronces. Elle gesticulait dans tous les sens, tentant vainement d'éteindre ce feu obscur sorti de nulle part. Puis les cris s'atténuèrent, et dans un lourd silence, la créature s'immobilisa pour ne plus jamais se mouvoir.
Kharir laissa échapper un soupir de soulagement malgré son état des plus alarmants. Khurt ne pouvait se résoudre à abandonner son père ; il tenta de le relever en dépit de sa blessure, en vain ; du sang jaillit de celle-ci et le garçon laissa échapper un autre gémissement de souffrance avant de retomber sur ses jambes.
Le commandant lâcha un grognement peiné et posa ses mains sur le sol de neige. Par un élan surhumain, il réussit à redresser son buste.
Khurt blêmit en voyant les versements sanglants s'échapper des mutilations de son père.
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Le Souverain Gelé - Tome 1 [En Cours]
Fantasy« Avant que la déesse ne sauve les Hommes, il faudrait que nous nous sauvions-nous même, mon garçon. » Dans les légendes les plus anciennes, on raconte que la magie fut utilisée sans sagesse par les Hommes. Cette force instable provoqua un désastre...