Le Souverain Gelé - Tome 1 [En Cours]

Partie I - Chapitre 2.3 : Le Maudit (3)

[...]

— Entre nous, Khurt, Adalon ne fait que te porter préjudice. Tu n'as aucun avenir ici.

— Mais... je... balbuitia Khurt, frappé de plein fouet par les paroles difficiles de l'Apôtre. Je... je ne peux pas partir... comme ça... Sorr... j'ai promis à Sorr et Esmeralda que je les protégerai quoi qu'il arrive...

— Tu n'es pas obligé de rester coller à eux pour remplir cette promesse, argumenta-t-il en sortant de son sac une sorte de pipe très longue, fine et raffinée.

Khurt tourna la tête vers lui, l'observant d'un air intrigué. Que voulait-il dire par là ?

— Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas en restant enfermé dans une ville qui te méprise que tu t'épanouiras.

— J'ai la désagréable impression que vous voulez vraiment que je parte, vous... maugréa Khurt en le fixant, le regard méfiant.

— Evidemment, et je ne m'en cache pas, finit-il nonchalamment en allumant sa pipe en invoquant une flammèche du bout de l'index.

Il se mit à fumer sans retenue sous le nez du jeune homme abasourdi par ces propos.

— Vous voulez sérieusement que je sois banni ou quoi ?! commença-t-il à s'énerver en se levant brusquement.

L'Apôtre resta assis en continuant sa petite occupation de détente, alors qu'il observait le jeune homme le fixer, le visage à la fois empli d'incompréhension et de nervosité.

— Je souhaite que tu sortes de ta zone de confort, finit-il par avouer en soufflant la fumée.

— ... Ma zone de confort... ? Vous voulez parler d'Adalon... ? Vous trouvez que c'est une zone de confort, vous ?! tempêta-t-il de plus en plus.

— Mmmh... tu n'es peut-être pas encore assez mature finalement... sembla-t-il constater. Néanmoins, je vais être plus clair avec toi. Adalon est ton foyer d'enfance, rempli de souvenirs et d'attaches, et surtout... même si les habitants te crachent dessus, voir te maltraitent... tu connais cet endroit.

— Oui... et alors ? s'impatienta-t-il en serrant ses poings.

— Alors... continua-t-il d'une voix posée mais ferme, soit tu restes dans cette ville que tu connais effectivement comme ta propre poche, soit tu découvres le monde, l'inconnu... et tu en ressors grandi... et peut-être auras-tu une vie largement meilleure que celle que tu possèdes actuellement ici.

Silencieux, Khurt le fixait assez durement, pourtant son regard révélait que les paroles de l'Apôtre n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd : il cogitait... profondément.

— A ton avis, insista Jeffren, vaut-il mieux rester dans un endroit que tu sais toxique ou partir pour quelque chose de peut-être, voire sûrement plus épanouissant ?

— Je peux très bien tomber sur pire... maugréa Khurt qui serrait les dents.

— Comme tu peux tomber sur quelque chose de mieux... A toi de voir, Khurt... sourit-il finalement en expirant à nouveau sa fumée.

Khurt continuait de le scruter intensément, pourtant son regard s'adouci légèrement. Il songeait, et d'ailleurs se souvenait-il de cette fois où il avait voulu suivre sa mère, et encore de cet autre moment où il avait failli partir de lui-même... mais il s'était retenu au dernier moment.

Parce qu'il avait peur.

— Bien évidemment, cela ne signifie pas que tu ne pourrais pas revenir ici. Mais... entre nous, Khurt... intima-t-il d'un regard qui se voulait complice, je te conseillerai de partir avant que tu ne fasses un acte regrettable...