Le Souverain Gelé - Tome 1 [En Cours]

Partie I - 4 hinvels avant.1 : La Purge de Kalveran

Si lourde...

Tel un poids enchaîné à sa cheville, l'épée ensanglantée entre ses mains lui paraissait être un fardeau qu'il n'aurait jamais souhaité découvrir.

A genoux dans la terre humide, les yeux de Khurt étaient rivés sur le cadavre d'une femme âgé de la trentaine, aux longs cheveux chocolat, dont le cœur avait été pourfendu. Il releva ensuite la tête pour observer ce paysage désolé d'un carnage dont il ne voyait la fin.

Il transpirait malgré la fraîcheur du climat, tandis que l'atmosphère se révélait étouffante : les cris d'innocents découvrant leurs proches perdus à jamais perçaient ses tympans, en plus de l'odeur de brûlé et de cadavres qui empestait l'air autour de lui malgré la pluie tombante.

Ses cheveux noirs de jais mi-longs glissaient en bataille sur son visage en sueur, alors que ses yeux cherchaient un visage amical en guise de consolation.

— Khurt !

Il se retourna lentement en se relevant, reconnaissant la voix claire de son plus proche ami. Sorr, le prince du Royaume d'Adalon, accourait vers lui pour le rejoindre.

Ce dernier détailla du regard son ami bien plus petit et frêle que lui. Visiblement, lui aussi s'était battu avec toutes les peines du monde malgré sa faible endurance.

Les courts cheveux blonds légèrement hérissés du prince, habituellement soyeux et éclatant de reflets d'or, étaient pourtant couverts de sang et de boue. La peau claire de son visage d'adolescent était ravagée par la saleté et les écorchures, alors que ses yeux verts émeraudes, d'ordinaire brillants de bonté, se révélaient ternis par la fatigue et l'horreur de ce qu'ils venaient de vivre.

La sombre armure de maille du prince et sa longue cape indigo de velours étaient également en piteux état, mais Khurt se sentait soulagé de le voir sain et sauf. D'un geste du bras, il attrapa les épaules du prince et l'enlaça amicalement contre lui, bien trop fier pour montrer son visage émotionnellement affaibli.

— Tu n'as rien... Je suis soulagé, murmura Khurt le visage contre l'épaule chétive de son ami.

— Khurt...

Sorr ne le comprenait que trop bien. Lui et sa sœur avaient déjà perdu leurs deux parents très jeunes, aussi chérissait-il Khurt comme un frère malgré l'absence de lien de sang.

Ils ne se ressemblaient pourtant aucunement physiquement : plus grand et les épaules plus carrés, la peau de Khurt hâlée était raffermie avec quelques cicatrices dû à son tempérament casse-cou. Ses cheveux étaient bien plus longs que ceux de Sorr : abondants et épais avec quelques épis rebelles, Khurt laissait pourtant sa sombre crinière voler librement au vent.

Il s'écarta finalement de Sorr d'un geste léger pour constater l'ampleur des dégâts. Ses yeux d'ambres s'obscurcirent lorsqu'ils entendirent à nouveau le vacarme cinglant des lames s'entrechoquant au loin.

La bataille n'était pas encore terminée. Au loin, les Apôtres, accompagnés des guerriers et soldats encore debout, tentaient tant bien que mal de repousser l'invasion des Fataks.

Et pourtant, la ville était perdue. La cité resplendissante de Kalveran n'était plus qu'un souvenir délabré.

Trop présomptueuse, bien trop confiante et sous-estimant ces cruelles et invisibles créatures, Kalveran n'était désormais que l'ombre d'elle-même. La plupart des habitants encore libre de leur moyen avaient fui en empruntant la route pour Adalon, abandonnant leurs être aimés ; soit ces derniers étaient encore sous le joug des entités, soit la mort s'était chargée d'eux.