*Chapitre 9*

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Le soleil noir descend lentement sur les plaines. Cela fait maintenant une heure que je fixe la fenêtre en attendant le moment où nous allons partir pour le Tartare. Théo n'a pas essayé de me reparler depuis et ça me va très bien comme ça : de toute manière, s'il avait tenté quoi que ce soit, il se serait pris une gifle de ma part. Tout le monde commence à arriver dans le salon petit à petit, m'indiquant qu'il est bientôt l'heure de partir. Je vais m'asseoir sur le canapé et place mes coudes sur mes genoux. Je joue avec ma bague nerveusement en attendant qu'on me dise quoi faire. J'entends des pas lourds descendre les escaliers et nos regards se croisent une demi-seconde.

Alia allait parler quand on entend Menthaïs crier depuis le sous-sol. On accourt pour savoir ce qu'il se passe quand je remarque qu'il ne reste plus que trois corps sur les quatre.

- Où est le corps de Devil ?

Tony me regarde et semble réfléchir.

- Soit on l'a enlevé, ce qui est très peu probable. Soit son corps a rejoint son âme de lui-même, ce qui voudrait dire qu'il a réussi à sortir du Tartare.

- C'est possible de sortir du Tartare sans l'aide de quelqu'un ?

- Apparemment, Devil doit être la seule personne a y être arrivé. Mais s'il a réussi, il doit être mal en point ; il faut qu'on aille le chercher.

J'acquiesce et vais chercher ma dague pour être un minimum armé, au cas où. Menthaïs et Alia ont décidé de rester ici dans l'éventualité où Devil reviendrait de lui-même et on se dirige vers l'entrée du Tartare. Il y a un moyen d'accéder au Tartare depuis l'enfer, sans pour autant mourir et Tony nous affirme qu'il sait où elle se trouve car sa mère avait l'habitude d'envoyer des traitres à cet endroit.

Après une heure de voiture, on se trouve devant une falaise. J'ai passé mon temps à parler avec Tony, ce qui a énormément énervé Théo mais cela m'importe peu. Tony se place devant la falaise et je me demande si on va devoir sauter quand il se met à parler.

- I ídia i kólasi échei tous nómous tis. Tártaros, den échei kanéna.

L'enfer même a ses lois. Le Tartare, lui, n'en a point. Maddie m'a familiarisé avec le grec pendant un an, ce qui fait ce que je peux parler à peu près couramment cette langue. Après que Tony a prononcé cette phrase, un cratère se forme sous mes pieds si bien que Tony me tire en arrière. Et un escalier se forme petit à petit dans la terre. La poussière me fait tousser et m'empêche de voir en bas de ce fameux escalier quand on entend des pas.

Je sors ma dague, ne sachant pas qui monte quand je reconnais sa veste en cuir.

- Devil !

Je m'avance vers lui et l'aide à monter les dernières marches avant qu'il s'écroule sur mes genoux. Son visage est particulièrement entaillé. Je ne prends pas la peine de regarder ses autres blessures car Tony et Theo le porte déjà pour le mettre sur la banquette arrière. Je me place à côté de lui, posant sa tête sur mes genoux au grand malheur de Théo qui se place sur le siège passager à contrecœur.

Je suis dans la cuisine en train de me prendre un verre d'eau quand j'entends mon prénom dans mon dos. Je me retourne et vois Menthaïs appuyée à l'embrasure de la porte.

- Devil demande à te voir.

- Moi ? Je demande, perplexe.

- Il veut te voir toi et personne d'autre. Il n'a même pas voulu que je le soigne.

Je fronce les sourcils mais monte dans sa chambre sans poser de question. Je pousse la porte doucement et le vois allongé, les yeux fermés. Je me dirige doucement vers la salle de bain pour prendre ce qu'il faut pour le soigner quand j'entends sa voix faible, mais joueuse derrière moi.

Je me tourne vers lui et ris à contrecœur. Je m'approche de lui et m'assois sur le lit.

- Je vois que ton humour n'a pas changé en un an et demi.

Mon sourire disparait rapidement quand je vois l'état de son torse. Le mot « prodótis » est gravé au scalpel un peu partout sur son torse et ses bras. Je passe mes doigts sur une des écritures.

- « Traître » ... je murmure.

Il relève mon menton pour que je le regarde dans les yeux. J'avais oublié à quel point ses yeux étaient magnifiques.

Je souris, gêné, et commence à le soigner. Je ne peux m'empêcher de le regarder sans cesse. Je continue de désinfecter ses plaies jusqu'à ce qu'il attrape ma main gauche pour effleurer ma bague. Il me regarde avec étonnement.

- Tu l'as gardé ?

- Menthaïs l'a désensorcelée. Et c'est grâce à cette bague que je suis là.

- A cause de moi, tu veux dire.

Il ne me regarde plus à présent. Il fixe la fenêtre avec beaucoup trop d'attention. Je continue de le soigner tout en lui parlant doucement.

- Nick est très manipulateur. Tu n'es pas le seul à t'être fait avoir, Théo a fait bien pire à cause de lui.

- J'ai fait ça en toute connaissance de cause et surtout je pensais bien faire. Pour finir, la bague t'a transformée en être infame et tu n'es même pas ma compagne.

Devil serait-il jaloux ? Je souris à la suite de cette pensée. Dans un sens, Devil m'a sauvé la vie. Je n'aurais pas supporté une année de plus sur Terre.

- Il n'y a plus aucun lien entre Théo et moi. Je crois même que le lien de compagne est en train de s'estomper au fur et à mesure qu'on s'éloigne l'un de l'autre.

Je crois avoir vu un sourire apparaitre sur son visage pendant quelques secondes mais je n'en suis pas totalement sûre. Je sais qu'il s'en veut de tout ce qui a pu arriver et je regrette profondément de ne pas avoir pu le sauver durant la bataille avec Athénaïs.

- Tu n'es pas une mauvaise personne, Devil.

Sur ces mots, je pose un baiser sur son front ce qui fait apparaître un autre rictus sur ses lèvres qu'il se dépêche d'effacer. Je lui dis de se reposer avant de sortir de la chambre, pour rejoindre les autres au rez-de-chaussée.

Ange déchu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant