Chapitre 8

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Une sensation de froid sur sa peau la fit frissonner bien avant que la jeune femme n'ouvrit les yeux. Éblouie par les halogènes au plafond, elle referma ses paupières, une migraine incroyable se diffusant dans tout son crâne. Elle resta un moment ainsi, cherchant à comprendre ce qui était arrivé et où elle se trouvait désormais. Elle sentait qu'elle était en face d'un puzzle et que les morceaux épars de sa mémoire peinaient à se rassembler en une image cohérente, aggravant la douleur sourde dans qui pulsait dans ses tempes.

Elle inspira profondément pour calmer l'angoisse grandissante en elle.

Laisse les souvenirs venir, pensa-t-elle.

Elle repassa le fil de sa journée. Elle était en retard, comme à son habitude, mais ce n'était pas vraiment sa faute, la circulation était toujours mauvaise à cette heure du soir. Arrivée sur place, elle avait pris l'ascenseur pour aller plus vite. Elle avait fait tomber ses livres mais quelqu'un les avait ramassés. Puis elle était allée se changer et faire ses étirements avant le début de la représentation. La salle était remplie et elle avait le trac. Son amie était absente. Puis c'était à elle d'entrer sur la scène. La musique avait guidé ses pas et lorsqu'elle eut fini, elle était revenue en coulisse où son amie l'attendait, la félicitait et lui tendait un bouquet de fleurs.

Non.

Il n'y avait pas eu de fleurs.

L'image dans son esprit devint floue. Elle revit Mina devant elle, un sourire sincère affiché sur son visage. Mais l'image se brouilla. Son sourire retomba. Ses yeux devinrent ternes, vides.

— Tu vas bien ? lui avait demandé Lucia.

Aucune réponse.

Mina tenait quelque chose dans ses mains. Lucia fouilla dans sa mémoire mais ne réussit qu'à amplifier son mal de tête.

— Vous êtes réveillée, déclara une voix masculine qui sortit Lucia de son intense réflexion.

L'homme passa devant les lumières et elle plissa des yeux pour mieux le distinguer.

Ses yeux noirs la transpercèrent avec une telle intensité qu'elle fut prise de vertiges.

C'était lui.

L'homme qui avait ramassé son livre. L'homme qu'elle avait vu avant de perdre connaissance, sur les planches de la scène. L'homme qui était dans son étrange rêve, le visage couvert d'un masque de chirurgien.

Impossible.

Elle avait halluciné tout ça.

Son cerveau lui jouait des tours et elle n'appréciait pas beaucoup ce qui était en train de se passer.

Pourtant il portait bien les attributs habituels des médecins, blouse blanche et stéthoscope autour du cou.

— Vous êtes à l'hôpital de Phœnix, et je suis le docteur Ar...

— Ardent, le coupa Lucia alors qu'elle était sûr qu'ils n'avaient pas échangé les noms.

Les mots avaient surgi sans qu'elle eut pris le temps d'y réfléchir. Elle se pinça les lèvres, se réprimandant d'avoir ouvert la bouche.

Surpris, le médecin resta sans voix un moment avant de reprendre, tirant le siège près du lit pour s'y asseoir.

— Oui, c'est exact. C'est moi qui me suis occupé de vous lorsque...

Lucia se redressa immédiatement mais une douleur fulgurante au ventre l'empêcha de terminer son geste.

— Ne bougez pas, dit-il en avançant une main rassurante et Lucia obéit docilement. Vous avez été grièvement blessée mais vous êtes tirée d'affaire désormais.

Brasier - La ProieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant