Chapitre III

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~ Mi-avril

Son regard détaille une dernière fois les lieux.

Ces lieux, désormais vides, dans lesquels elle a passé les deux dernières années de sa vie. Une partie d'elle restera dans cette pièce, gravée à jamais dans son esprit. Ses murs l'oublieront, comme ils l'ont déjà fait avec les précédents occupants, mais elle, elle ne pourra pas les oublier. Ses lieux dans lesquels elle aura souffert, pleurer, hurler, sombrer, mais aussi été heureuse, joyeuse, pleine de vie.

Elle se saisit du seul objet restant dans la pièce, dans tout cet espace.

Le cadre photo en main, elle laisse glisser son pouce sur leurs visages rieurs. Saisi sur l'instant, sans qu'ils ne s'en aperçoivent, cette photo dégage parfaitement la liberté et le bonheur qu'ils ressentaient à ce moment-là.

Une larme silencieuse coule sur sa joue pour venir s'écraser sur ladite photo, bientôt suivie par une dizaine d'autres gouttes salées. Un sanglot s'échappe de sa gorge. Elle enfouit le cadre dans son sac à main, puis sort de cet appartement qui l'aura abrité, vu vivre pendant plusieurs mois de sa vie, avec une sensation de déjà vu, de déjà vécu.

Voilà quinze jours qu'elle avait annoncé sa démission à Monsieur Pierce. Il n'avait pas pu retenir un éclat de rire, ne la prenant pas au sérieux. La docile et réservée Mademoiselle Stenffield, ne pouvait pas démissionner. Elle n'en avait pas le cran, du moins le pensait-il jusqu'à ce qu'il constate qu'elle gardait son sérieux et ne cillait pas. Elle avait déposé la lettre de démission et lorsqu'elle avait quitté son bureau, lui annonçant que son préavis prenait fin quinze jours plus tard, elle lui également confirmé qu'il pouvait, en plus de se trouver une assistante qualifiée, aussi chercher une chargée de communication.

La porte s'était fermée sur ses talons claquant sur le sol, le laissant seul dans son bureau, plongé dans un silence lui faisant réaliser ce qu'il venait de se passer. Il se retrouvait sans assistante, sans chargée de communication, parce qu'il n'avait pas contredis Amélie lorsqu'elle avait tout fait pour que Cléa n'ait pas le poste d'assistante.

Il avait effectivement pensé à le lui confier. Le fait que Monsieur Carter lui ait proposé ouvertement un poste alors qu'il était présent, lui avait fait prendre conscience que Cléa avait de la valeur, mais quand Amélie était venue dans son bureau, usant de ses charmes, lui mettant ses seins sous les yeux, le regardant d'un regard désireux comme on ne l'avait plus regardé depuis des années, il s'était laissé convaincre. Cléa n'était pas la bonne personne.

Et il s'en était mordu les doigts.

D'autant plus qu'Amélie avait usé de ses charmes pour lui faire prendre cette décision, sans jamais lui donner plus.

Trop tard, il n'avait pas réussi à la retenir malgré une nouvelle proposition, et elle avait quitté la société, définitivement, la veille.

Cléa avait pris soins de faire ses quelques cartons durant ses quinze derniers jours de travail et ce, pour quitter la ville de Savannah dès le samedi matin. La route serait longue, et elle ne voulait plus perdre de temps, de peur de faire demi-tour et de revenir sur sa décision.

Lisa avait été plus que ravie d'apprendre la nouvelle. Son cri de joie lui avait presque percé un tympan ! Et surtout, elle s'était révélée d'une aide précieuse, acceptant de l'héberger dans son petit studio le temps que Cléa se trouve un logement. Elle avait commencé à chercher en ligne et programmé des visites mais ce n'était pas facile à distance.

Cléa était ravie à l'idée de retrouver Lisa, mais cette joie avait été bien vite remplacée par un sentiment de gêne et de culpabilité. Malgré les mois passés loin l'une de l'autre, elle était toujours présente pour elle, prête à l'accueillir alors qu'elle vivait dans un petit studio de 30m², alors que Cléa l'avait clairement délaissée, écartée de sa vie ces dernières années.

Reviens-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant