Chapitre XXV

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Les portes battantes s'ouvrent devant elle, et elle inhale l'air frais de la nuit.

Le ciel est clair et les étoiles se dessinent distinctement dans celui-ci, annonciateur d'une journée ensoleillée.

L'air s'insinue dans ses poumons, et elle inspire de toutes ses forces ce dernier, frais, revigorant son corps, chassant cet air oppressant, chargé de cette odeur de sang, qui s'infiltre en elle depuis qu'elle a commencé sa garde il y a maintenant six heures.

Il est deux heures du matin et après un début de soirée agité, surchargé en adrénaline, et une opération de longue haleine, cet air frais fouettant son visage, les quelques mèches de cheveux qui s'échappent de son chignon - qui ne ressemble plus à un chignon désormais -, agitant son corps de léger frissons, réveille son corps qui demande à dormir.

Les portes battantes coulissent à nouveau laissant son acolyte sortir et la rejoindre. Comme elle, il regarde les étoiles puis profite de l'air frais qui s'offre à lui.

Trois ans que l'on fait ça et pourtant c'est toujours aussi dur.

Elle ne répond pas, se contentant de fixer un point invisible à l'horizon.

La journée avait pourtant bien commencée, leur nuit de garde aussi, jusqu'à ce que cette fichue ambulance arrive, suivie de près par trois autres. Ils s'étaient vite retrouvé envahi mais leur rigueur et détermination avait écrasé ces quelques instants de doute, de surcharge pour laisser la place à ces médecins expérimentés en devenir qu'ils sont.

Toujours aussi douloureux, souffle-t-elle.

Le choc avait été inévitable selon les dires des policiers, rapportés par les ambulanciers. Le camping-car n'avait pas pu éviter le terreplein. Les freins avaient lâchés, le laissant prendre de la vitesse et rater le virage, l'envoyant droit sur le terreplein séparant les deux voies de circulation pour finir par faire des tonneaux, se retrouvant sur le toit et laissant ses passagers mal en point à l'intérieur.

Les secours avaient été rapides, les médecins méticuleux mais pourtant pas assez pour sauver la vie de cette petite fille de 10 ans, décédée sur la table d'opération. Sur sa table d'opération.

Tu as fait ce que tu as pu.

Je sais. Et toi ?

La convalescence sera longue, mais il va bien. Du moins, jusqu'à ce qu'il apprenne pour sa sœur.

L'évidence est là. Il va bien. L'opération s'est bien passée, la convalescence sera longue, mais elle sera là. Il va bien, mais jusqu'à quand ? On pleure les morts, ceux qui sont partis, parfois trop tôt, trop jeune, trop vite. Mais pleure-t-on ceux qui restent ? Ceux qui sont toujours en vie au détriment de la vie d'une personne chère à notre cœur ? Pense-t-on à ceux qui vivent avec l'absence de l'être aimé disparu ? Avec la culpabilité du survivant ? Non, pas forcément, mais c'est avec tous ces sentiments que ce gamin de 15 ans continuera à vivre, alors que sa petite sœur a rendu son dernier souffle.

Tenez, je me suis dit que ça nous ferait du bien.

Perdu dans leurs pensées, ils n'ont pas réalisé que leur mentor venait de les rejoindre.

On s'habitue un jour ?

Non.

Deux soupirs accueillent sa réponse.

Non. Le jour où tu t'y habitue, alors cela signifiera que tu ne ressens plus rien.

Tout en avalant la première gorgée du thé glacé apporté par son supérieur, son regard se perd une nouvelle fois dans la contemplation du ciel étoilé, tandis qu'elle médite les paroles de son chef.

Reviens-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant