Altruisme

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lundi 12 octobre, 18h55


Cela faisait maintenant plus d'une heure qu'ils rebroussaient chemin pour essayer vainement de retrouver leurs camarades. Lévi marchait la tête haute et regardait loin devant lui, comme si l'énorme plaie qui ornait son ventre ne l'atteignait guère.

Pourtant, Rachel avait cru apercevoir de discrètes grimaces de douleur lorsqu'il se mouvait, elle éprouvait une certaine forme de compassion à son égard, rt pensait secrètement que son supérieur devait cacher de sombres mystères au plus profond de son être.

Il avait beau toujours manquer de tact et parler de façon cru, elle était certaine qu'il était en réalité bien plus humain qu'il paraissait, la protection de ses camarades lui était primordiale. Cet homme avait surement dû vivre des horreurs pour être aussi endurci, distant et imperceptible, elle en était sure et l'admirait - intérieurement, bien sûr.

Tout ce qu'elle pensait à cet instant précis, il n'en saurait jamais rien car ce même homme aux allures bourrues mais presque douces savait aussi très bien se comporter comme le dernier des cons.

- Qu'est-ce que tu reluques comme ça Jones ?

La preuve ici-même.

Elle détournait le regard avant de replacer une mèche de cheveux doré derrière son oreille en fronçant les sourcils. Il avait vraiment des yeux derrière le dos, c'était incontestable, et bien qu'il était blessé, cela ne l'empêchait pas de maintenir une allure vive, sondant à travers le bois encore humide par l'averse récente.

C'est toi que je reluque, abruti, pensait la jeune femme touchée dans son orgueil.

Le caporal avait le chic pour mettre constamment le doigt sur les sujets qui fâchent sans la moindre once d'empathie envers son interlocuteur : ne lui avait-on pas inculqué les codes sociaux lors de son éducation ?

Des centaines de questions s'entrechoquaient dans la tête de Rachel, cet homme obscur était presque en train de devenir une obsession pour elle qui cherchait sans arrêt le pourquoi du comment, et creusait perpétuellement le fond, la forme, analysait systématiquement gestes et paroles de quiconque, lisait au creux des lignes du destin.

Elle ne le trouvait pas si différent qu'elle, au final. Lui non plus ne devait sûrement pas avoir eu de parents ou il devait certainement avoir grandi dans un lieu défavorable.

Décontenancée, elle fût alors soudainement interrompu dans ses songes par un mouvement vif du caporal devant elle qui eut juste le temps de le tirer vers l'arrière par le bras, lui évitant une vilaine chute.

Elle chavira instantanément puis glissa elle-même sur la pente raide qui se trouvait devant eux. Ses pieds s'entremêlaient sur le sol boueux avant que sa jambe gauche ne percute de plein fouet une énorme pierre.

Instinctivement, elle essaya de se remettre sur pied tant bien que mal mais lorsqu'elle tenta de se relever, ses lèvres laissèrent échapper un vilain gémissement de douleur avant de qu'elle ne retombe violemment contre le sol marécageux.

Le caporal s'approchait d'elle, l'air particulièrement agacé.

- On avait bien besoin de ça, tiens, siffla t-il entre ses dents.

Les yeux emplit de rage, elle le dévisagea hargneusement.

Il se fout de ma gueule ? Je viens de lui sauver la mise et c'est comme ça qu'il me remercie ? Sale connard.

Un nombre incalculable d'insultes se heurtait dans son crâne avant qu'elle ne détourne le regard vers sa jambe meurtrie. Par manque de chance, le rocher sur lequel elle venait de chuter était particulièrement acéré et une profonde entaille écorchait sa cuisse maintenant devenue bleuâtre.

- Un simple "merci" aurait suffi.

Le caporal s'approchait d'elle et entoura ses bras autour de la nuque et des jambes de la jeune blonde qui était pour l'instant dans l'incapacité de marcher mais elle le repoussa énergiquement.

Il fronça durement les sourcils.

Quelle tête de mule, cette gosse.

- Arrête de faire l'enfant, t'es même pas capable de te lever.

- Arrêtez de vouloir jouer les grands seigneurs, votre blessure vient de se rouvrir.

Il la fixait d'une manière sévère et froide avant d'inspecter ses côtes : elle disait pourtant vrai, il saignait à nouveau et ne pouvait la porter au risque de violemment perforer son flanc.

Rachel se leva péniblement, elle titubait méchamment mais arrivait à garder son équilibre puis devança Lévi, prenant tout de même appui à tous les arbres environnant. Il claqua la langue avant de lentement progresser derrière cette gamine bornée et entêtée.

Avait-elle des choses à se prouver à elle-même ou aux autres ? Ou était-elle simplement bienveillante, préférant endosser le mal à la place de ses congénères ? Il la regardait fixement.

La nuit était déjà tombée en ce maudit soir d'automne humide et froid mais il apercevait au loin de vives lueurs à travers l'obscurité : c'était les flambeaux du Bataillon d'Exploration qui devait sûrement être à leur recherche.

Le commandant Smith savait pertinemment que Lévi ne pouvait être mort dans une entrevue aussi banale que celle qu'ils avaient eu plus tôt avec les titans, trop fort et rapide pour trépasser aussi bêtement. Ils avaient cherché leurs corps et quelques survivants pendant des heures durant et faisaient maintenant des rondes à l'orée du bois.

L'agréable chaleur du soulagement l'envahit alors. Il était épuisé, blessé et sale. Ils avaient traîné dans la boue toute la journée et il ne rêvait que d'une simple chose à cet instant précis : une douche bouillante.

Les points lumineux qu'il apercevait au loin se rapprochaient vivement avant que Rachel ne s'écroule face contre terre sur le sol, inerte. Il se hâta vers elle et retourna doucement la jeune femme avant de prendre son visage entre ses mains pour légèrement claquer ses joues rosées par le froid dans l'unique but de la réveiller mais rien ne fit, elle était inconsciente.

Il souffla de nouveau, à la fois excédé et soucieux, puis enroula ses bras autour de son corps chétif pour la seconde fois de la journée afin de l'embarquer jusqu'aux autres. Elle était légère et il aurait pu la porter depuis le début.

Il rit intérieurement en imaginant la réaction qu'aurait la jeune femme si elle se réveillait dans les bras de son supérieur, elle qui l'avait vivement réprimandé plus tôt au simple contact de sa main contre sa nuque.

- Au moins maintenant tu la fermes, sale garce.

À l'aube (Lévi X OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant